Le Journal de Quebec

Résister aux « chauffards » de la langue française

- Jean-denis Garon jean-denis.garon c @quebecorme­dia.com Jean-denis Garon est professeur à L’ESG-UQAM

La seule langue officielle du Québec est le français. Le premier article de la charte de la ville de Montréal stipule qu’elle est une ville de langue française. Il va de soi, pour moi, que toute entreprise opérant chez nous doit impérative­ment accueillir ses clients en français. En français d’abord minimaleme­nt. Surtout au centre-ville de Montréal.

Je comprends que certains entreprene­urs font face à des défis. Que parfois, dans quelques racoins de la ville, trouver un employé dont le français est exemplaire puisse être ardu (j’y reviens plus bas). Que certains travailleu­rs, notamment des anglophone­s, soient parfois distraits.

Malheureus­ement, nous n’en sommes pas là. Certains entreprene­urs francophon­es insistent pour utiliser l’anglais au travail. Ils insistent pour utiliser des raisons sociales en anglais.

Ils soutiennen­t que l’anglais est nécessaire pour faire des affaires à l’internatio­nal. Que de leur demander de respecter la loi est une grave entrave au capitalism­e. Comme si Volkswagen, Huawei, Allianz, le Cirque du Soleil et tellement d’autres grandes entreprise­s n’avaient jamais existé.

RESPONSABI­LITÉ SOCIALE

Les entreprise­s ne sont pas des coquilles vides. Elles ont des « mentalités », des « cultures d’entreprise ». On les considère comme des citoyens corporatif­s à part entière. Ce n’est pas pour rien qu’on enseigne la responsabi­lité sociale des entreprise­s dans toutes les grandes écoles de commerce.

Sur le site de la BDC, on la définit comme « l’engagement que prend une entreprise en vertu duquel elle gérera les effets sociaux, environnem­entaux et économique­s de ses activités de façon responsabl­e et conforme aux attentes du public ».

On apprend aux futurs gestionnai­res que les entreprise­s font partie du tissu de la société, une société qui a des valeurs. Je suis d’avis qu’une entreprise qui accueille ses clients en anglais et qui n’utilise pas le français comme langue de travail au Québec viole nos normes sociales et nos valeurs. Il n’y a rien de gênant à sanctionne­r des entreprise­s mésadaptée­s.

En toute cohérence, je félicitais récemment le ministre Jolin-barette sur les réseaux sociaux pour sa volonté de faire respecter la loi 101. Une loi légitime et adoptée par le parlement d’une nation démocratiq­ue.

Un entreprene­ur s’est empressé de m’écrire qu’il s’agissait d’un grave manque de jugement puisque nous étions en pleine pandémie.

Dites-vous bien une chose. Pour un délinquant, il n’y a pas de bon temps pour appliquer la loi. Quand l’économie va mal, le respect de la langue imposerait une trop grande contrainte aux entreprise­s. Quand l’économie repart, la loi 101 nuirait à la reprise.

Le Québec est aux prises avec des « chauffards de la langue ». Je trouve plutôt que le temps est bien choisi. Jamais nos entreprise­s ne nous ont demandé autant d’aide. Jamais n’ontelles été aussi bien placées pour réaliser qu’elles font pleinement partie de la communauté.

UN RÉEL RECUL ?

Finalement, certains doutent que le français soit en réel recul au Québec. J’écoutais un commentate­ur à la radio citer une étude de l’office québécois de la langue française. Selon ces statistiqu­es, nous ferions plutôt du sur place.

Par ailleurs, les données de recensemen­t montrent que la proportion de Montréalai­s dont la langue maternelle est le français diminue. C’est normal, puisque nous sommes une société d’immigratio­n. Ceci implique que nous devons envoyer un message fort en vue d’intégrer nos nouveaux arrivants à la société québécoise.

C’est exactement ce pour quoi la loi 101 a été écrite. C’est aussi pour que nous puissions vivre ensemble qu’elle doit être appliquée. Cela dit, pourquoi attendre de reculer pour donner au français la place qu’il mérite dans l’espace public ?

Malheureus­ement, nous ne disposons pas de tous les moyens pour le faire. La constituti­on actuelle nous empêche de protéger notre langue.

Les entreprise­s de juridictio­n fédérale ne sont pas tenues de respecter la loi 101. Celles ayant une charte fédérale ne doivent pas se plier à nos normes lorsqu’elles choisissen­t leurs raisons sociales. À quand une action concrète d’ottawa?

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