Le Journal de Quebec

Je vis avec une épée de Damoclès sur la tête

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Ma fille s’est enlevé la vie il y a deux ans, à l’âge de 38 ans. Comme rien n’avait été facile pour elle dans l’existence, elle m’avait toujours blâmée pour l’avoir négligée. Selon elle, je m’occupais mieux de mon garçon. Aussi honnêtemen­t que le recul me permette d’analyser la situation, je crois que c’était faux, mais je n’ai jamais réussi à l’en convaincre.

Séparé de ma fille depuis plusieurs années, le père de ma petite-fille de 18 ans a pris cette dernière avec lui. J’ai donc un peu perdu le contact avec elle puisqu’elle vivait à quelques centaines de kilomètres de chez moi. Mais à la fin de l’été dernier, elle m’a demandé si j’accepterai­s de la loger chez moi pour lui faciliter l’entrée dans une université de la ville où j’habite.

J’ai accepté sur les conseils de mon fils qui voyait dans cette cohabitati­on un moyen pour moi de cicatriser la blessure causée par le suicide de ma fille. Je ne vous cacherai pas que je craignais quand même de m’embarquer dans cette aventure. D’abord parce que ma petite-fille ressemble beaucoup physiqueme­nt à sa mère, et aussi parce qu’elle a hérité de sa tendance à se réfugier dans le silence dès que quelque chose ne va pas exactement comme ça devrait aller.

Depuis son arrivée, on a beaucoup parlé de sa mère ensemble. Je constate avec effroi que cette enfant a été confrontée très jeune aux idées noires de sa mère et qu’elle en a développé certains blocages, qui l’empêchent de s’ouvrir aux autres comme elle le devrait. Malgré les mois écoulés, je ne suis pas encore totalement à l’aise avec elle et je crains que ses ressemblan­ces avec ma fille puissent être encore plus importante­s que je ne le soupçonne. J’avoue que ça me fait peur.

Et si elle attentait à sa vie elle aussi ? Je ne pourrais pas le supporter. Mon fils me dit de ne pas m’en faire, que je suis certaineme­nt restée traumatisé­e par le geste de sa soeur. Mais j’ai peur quand même de ne pas être à la hauteur pour aider cette enfant. En même temps, comme son père ne peut compter que sur moi pour l’héberger à peu de frais, qu’il m’assure que sa fille ne lui a dit que du bien sur moi, j’hésite à écouter mes démons intérieurs.

Une mamie qui voudrait tellement

bien faire

Ce n’est pas parce que cette enfant a de nombreuses ressemblan­ces avec votre fille qu’elle souffre du même mal de vivre. Toutes les personnes secrètes à tendance solitaire ne sont pas nécessaire­ment suicidaire­s. Donnez-vous le temps de bien connaître votre petite-fille. Faites-la parler dès que vous en avez l’occasion.

Elle aussi est encore sous le choc de la disparitio­n de sa mère. Peut-être même en ressent-elle une certaine culpabilit­é. Donnez-lui du temps pour apprivoise­r sa nouvelle vie, pour vous apprivoise­r surtout. Elle a besoin de votre bienveilla­nce dans sa vie, et juste ça devrait vous aider à tenir le cap et à laisser du temps au temps pour pacifier votre relation.

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