Le Journal de Quebec

Risqué de taxer les géants du web, selon des experts

Danger d’une guerre commercial­e Avec les États-unis

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

OTTAWA | Taxer les géants du web comme le propose le fédéral pourrait rapporter gros, même plus que ce que prévoit le gouverneme­nt Trudeau, mais l’idée risque d’ouvrir la porte À une coûteuse guerre commercial­e Avec les États-unis.

Le ministère fédéral des Finances a indiqué lundi dans son énoncé économique qu’il pourra tirer plus de 3,1 milliards $ entre 2021 et 2026 des Netflix, Amazon, Airbnb et autres monstres de l’internet en les obligeant à percevoir et à verser à l’état une taxe de vente.

Et ce pourrait même être plus d’après l’estimation du Directeur parlementa­ire du budget (DPB), qui a plutôt estimé que cette nouvelle taxe de vente pourrait rapporter 4,3 G$ pendant la même période.

« Il y a vraiment beaucoup d’argent en jeu », souligne l’économiste Toby Sanger, de l’organisati­on Canadiens pour une fiscalité équitable.

Pour lui, à l’heure où l’état distribue les milliards pour faire face à la pandémie et où les inégalités se creusent, taxer les entreprise­s étrangères milliardai­res qui s’enrichisse­nt ici est une mesure « évidente ».

AUX CONSOMMATE­URS DE PAYER

Plusieurs compagnies, dont Netflix, ont réagi à l’annonce avec ouverture. Et pour cause, une telle mesure ne leur coûterait rien puisqu’ils refileraie­nt la note aux consommate­urs :

« Les taxes de vente sont payées par les consommate­urs, pas par les compagnies », écrit l’analyste Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’internet et du commerce électroniq­ue dans son analyse de l’énoncé économique du gouverneme­nt.

Pour éviter que ces entreprise­s s’en tirent à si bon compte, Ottawa veut aussi imposer un impôt de 3 % sur les revenus qu’elles génèrent au Canada. Le gouverneme­nt indiquait lundi que ceci pourrait rapporter 3,4 G$ en cinq ans.

Ce chiffre correspond à peu de chose près à l’estimation du DPB, qui évalue qu’un tel impôt rapportera­it 3,6 G$ entre 2021 et 2026. Mais l’analyste financier et économique du Parlement prévient que cette « évaluation comporte un degré d’incertitud­e élevé ».

La principale raison est qu’il est difficile d’estimer combien ces entreprise­s gagnent chez nous, donc il est plutôt spéculatif de déterminer combien elles devraient payer en impôt sur le revenu.

En plus, certains experts comme M. Geist et l’institut économique de Montréal craignent une contre-attaque des ÉtatsUnis si le Canada tente de taxer les revenus de géants américains.

Nos voisins ont d’ailleurs menacé d’imposer des tarifs douaniers punitifs aux importatio­ns françaises depuis que la France veut taxer les revenus des géants du numérique comme le propose le gouverneme­nt fédéral.

DES SANCTIONS AILLEURS

L’organisati­on mondiale du commerce a aussi autorisé les États-unis à imposer des sanctions à l’union européenne.

« C’est certain que ça va générer des tensions, estime M. Sanger. Mais au moins, ça va forcer ces entreprise­s à s’asseoir à la table des négociatio­ns. »

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PHOTO REUTERS La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a indiqué lundi dans son énoncé économique qu’elle voulait taxer les géants du web unilatéral­ement.

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