Le Journal de Quebec

Retrouver l’émotion

- JEAN -CHARLES LAJOIE

Nick Suzuki, un flo de 21 ans, a dit après la défaite aux mains des Sénateurs dimanche : « On ne joue pas pour gagner, on joue pour ne pas perdre. » À partir de là, les carottes étaient cuites pour Claude Julien. Suzuki a ajouté que la notion de plaisir avait disparu au sein des troupes.

Julien a bien tenté de mettre l’emphase sur le plaisir lors de la préparatio­n de l’équipe en vue du match de mardi soir à Ottawa. Le message, à l’évidence, ne passait plus.

Le hockey a énormément changé depuis 10 ans. Claude Julien est demeuré le même. Fidèle aux schémas qui lui ont permis de soulever tantôt la coupe Memorial tantôt la coupe Stanley, il refusait systématiq­uement de réécrire certains chapitres de son manuel du parfait entraîneur-chef.

L’époque des purs motivateur­s, les Bergeron et Demers, est révolue. L’époque qui a suivi, celle des docteurs livides tels Jacques Lemaire, l’est tout autant. En 2021, le hockey appartient aux jeunes. Ceux qui font preuve de pure créativité et d’habiletés sur la glace. Le coach parfait de l’époque actuelle doit savoir manier les X et les O de façon à être stratégiqu­ement à point. Mais il doit surtout comprendre la mentalité des enfants rois de 20 à 25 ans, des kids à qui on n’a jamais rien reproché dans la vie comme au hockey. Il doit savoir les motiver et les flairer dans le cours d’un match.

ROMANOV AVEC WEBER

Si tel avait été le cas, Romanov n’aurait regardé aucune rencontre depuis les gradins et aurait été muté à gauche de Shea Weber AVANT le premier duel de la saison face à Ottawa. Nick Suzuki serait systématiq­uement de la première mise en jeu lors des matchs. Jake Evans aurait obtenu une audition au centre de Tatar et degallaghe­r pendant le long sommeil de Phillip Danault. Cale Fleury aurait joué quelques matchs à droite du vétéran Edmundson.

« Moi aussi, si j’avais un Mcdavid, il jouerait plus de 20 minutes par match » a récemment dit Claude Julien. Un aveu désastreux de non-confiance envers ses jeunes joueurs et son groupe d’attaquants. Marc Bergevin ne pouvait que constater les dégâts et réagir. Il a pris acte plus tôt que tard.

J’ai consulté mon vieux Larousse en écrivant ce billet. Au nombre des définition­s du mot ÉMOTION, il y a celle-ci : « Réaction affective transitoir­e, habituelle­ment provoquée par une stimulatio­n venue de l’environnem­ent. » Traduction librement inspirée : « Sentir l’excitation à l’aube de disputer un match. Canaliser cette adrénaline en plaisir. Sentir la confiance de l’entraîneur, derrière nous malgré nos erreurs et heureux de nos réussites. »

DÉBUTS TROMPEURS

En début de saison, le Canadien gagnait. Il marquait et accordait beaucoup de buts. Mais il gagnait. Malgré les victoires, Carey Price a lâché en point de presse qu’il avait hâte que l’équipe joue de façon plus responsabl­e dans son territoire. On a aussi vu Shea Weber brasser de la soupe en plein entraîneme­nt à Brossard alors que tout allait pour le mieux. Les analystes se sont empressés de souligner l’immense caractère de Weber, son leadership exceptionn­el. Ils ont dit en substance combien le capitaine ne tient rien pour acquis malgré les succès de l’équipe…

À rebours, je comprends mieux. Le « en avant tous » du début de campagne, il servait très mal les deux joueurs de franchise du CH. Price s’en trouvait vulnérable derrière, tandis que Weber peinait à suivre une cadence offensive axée sur le mouvement continuel en unité de cinq.

Claude Julien a choisi de se porter à la défense de ses deux joueurs de franchise. Il a éteint la créativité du club pour sa satisfacti­on défensive et celle de ses deux vétérans. On ne peut pas dire que Price le lui a bien rendu à Ottawa mardi. Comme Michel Therrien en février 2017 en Arizona, Claude Julien a constaté à la dure que le gardien de concession n’en fait pas beaucoup pour appuyer un entraîneur-chef en eaux troubles.

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