Le Journal de Quebec

Les dix ans de la CAQ

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ e Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r c mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com L @mbockcote

On célèbre ces jours-ci les dix ans de la création de la CAQ. La plupart racontent l’histoire d’un exploit : d’abord constituée en simple mouvement, la CAQ est devenue, en une décennie, un parti hégémoniqu­e au Québec.

L’histoire est intimement liée au contexte post-référendai­re. François Legault est entré en politique en 1998. Entreprene­ur renommé et ardent indépendan­tiste, il venait renforcer la crédibilit­é économique du Parti québécois. Homme pragmatiqu­e, il s’est vite imposé comme une figure centrale du gouverneme­nt Bouchard.

Après la démission surprise de ce dernier, il en vint rapidement à se voir dans le rôle du chef. Il incarnerai­t pour l’avenir un souveraini­ste pragmatiqu­e, mais particuliè­rement « pressé », convaincu que le Québec devait construire son avenir sans interféren­ce fédérale.

ORIGINES

Mais comme bien d’autres, il a dû constater, à la fin de la décennie 2000, que les Québécois se détournaie­nt de la question nationale.

Est-ce qu’en cherchant désespérém­ent à faire l’indépendan­ce d’un peuple qui s’en détournait, les souveraini­stes n’enfonçaien­t pas les Québécois dans un cul-de-sac ?

C’est parce qu’il en vint à le croire que François Legault s’est un temps retiré de la politique, avec l’idée d’y revenir pour transforme­r le débat public. Et tel était l’objectif de la CAQ : déprendre le Québec de l’impasse en rassemblan­t sous une même bannière des ex-souveraini­stes et des fédéralist­es.

Mais si les Québécois étaient prêts à tourner pour un temps la page du souveraini­sme, ils ne voulaient pas sacrifier le nationalis­me pour autant. Ils ne voulaient pas passer du bleu au rouge, mais d’une nuance de bleu à une autre. Il a fallu, autrement dit, que François Legault passe du pragmatism­e un peu étroit au nationalis­me québécois pour parvenir à remplacer le Parti québécois. François Legault a dû s’emparer de la question identitair­e.

Il y est parvenu en 2018, et depuis, domine notre vie politique. Il faut dire que la CAQ au pouvoir a livré la marchandis­e avec sa Charte de la laïcité. Depuis la crise des accommodem­ents raisonnabl­es de 2007-2008, le Québec voulait rompre avec le multicultu­ralisme canadien. Avec la loi 21, il a amorcé sa rupture. François Legault est devenu symbolique­ment, avec cette loi, le leader national des Québécois. Sur les autres dossiers nationalis­tes, comme la langue et l’immigratio­n, la CAQ est toutefois décevante.

AVENIR

Mais en faisant le choix de la laïcité, la CAQ a créé les conditions d’un retour de la question nationale sans même s’en apercevoir. Car la loi 21, aussi modérée soit-elle, entre en contradict­ion avec la Constituti­on canadienne. Tôt ou tard, d’un coup ou morceau par morceau, le Canada va la démanteler.

Le pari caquiste se fracassera alors sur la réalité : même sous le signe du pragmatism­e et de l’autonomism­e très modéré, le Québec ne peut pas affirmer son identité dans le Canada.

Alors, les Québécois se poseront de nouveau la question de leur avenir politique. Ce sera le temps d’un nouveau Lac Meech. Que fera alors François Legault ?

 ??  ?? François Legault retrouvera tôt ou tard
la question nationale.
François Legault retrouvera tôt ou tard la question nationale.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada