Le droit de se déconnecter, la journée terminée
Ottawa veut agir face à la multiplication des burn-out en raison du télétravail
OTTAWA | Le fédéral souhaite protéger le droit des travailleurs à la déconnexion numérique pour éviter que le télétravail, popularisé par la pandémie, transforme leur vie de famille en vie de bureau permanente.
« De plus en plus de gens me disent ‘‘je vis au travail’’. Ce n’est pas normal », s’inquiète la ministre du Travail, Filomena Tassi, en entrevue au Journal.
Voilà près de trois ans qu’ottawa flirte avec l’idée de modifier le Code du travail afin qu’il reconnaisse le droit à la déconnexion, selon lequel un employé a le droit de ne pas être connecté aux outils numériques professionnels en dehors des heures de travail. Reconnu dans cinq pays, dont la France et ’Espagne, ce droit devrait être « fondamental », d’après les députés de l’union européenne, mais il nn’existe pas au Canada.
L e gouvernement Trudeau a commandé un premier r rapport sur la question en 2018 ; il en attend un secon nd dans les prochains jours, après avoir conclu vendr redi une nouvelle consultation pour prendre le pouls de l’impact de la crise sanitaire.
Cell le-ci a répandu le « burn-out digital », indique Micha ael O’leary, vice-président de la firme de ressourc ces humaines Robert Half Technology.
« Je vois beaucoup de gens fatigués autour de moi, des g ens qui souffrent d’une écoeurantite numérique », confirme Sévrine Labelle, présidente-directriceti générale de Femmessor, une organisation dédiée à l’entrepreneuriat féminin.
« On travaille à un rythme infernal. Comme société, on ne peut pas continuer comme ça », souffle-t-elle.
La ministre Tassi s’inquiète particulièrement pour les femmes : « Être constamment disponible est souvent requis pour obtenir de l’avancement. Est-ce que les femmes en sont privées parce qu’elles doivent décrocher pour s’occuper des enfants ? » dit-elle.
RESPONSABILITÉ DES EMPLOYEURS
« Comme employeur, on a une responsabilité », insiste Mme Labelle en expliquant que des employés constamment connectés ne sont pas créatifs et innovants ; ils ne donnent donc pas le meilleur d’euxmêmes à l’entreprise ni aux clients.
Pour s’attaquer au problème, son entreprise a fait du bien-être de son personnel une priorité.
En plus de couper les communications numériques entre 18 h et 8 h, elle offre notamment cinq jours de congé bien-être, et sonde constamment et anonymement ses employés pour pouvoir corriger ses pratiques quand c’est nécessaire.
GUERRE DES TALENTS
Toutefois, plutôt qu’un changement législatif, elle appelle le gouvernement à devenir un employeur exemplaire, ce qui, dit-elle, contraindrait le secteur privé à s’adapter pour ne pas perdre ses talents au profit du secteur public.
« Les entreprises sont très conscientes que pour attirer et garder les meilleurs talents, elles doivent offrir plus que de bons salaires, elles doivent offrir une culture qui facilite la conciliation travail-famille et le bien-être », renchérit M. O’leary.
Mais la ministre Tassi est d’avis que « le gouvernement fédéral doit montrer du leadership », car trop de travailleurs ne sont pas suffisamment protégés par les règles actuelles.