Le Journal de Quebec

Injustice sur les chantiers

Elles se disent pénalisées pour l’accès au retrait préventif quand elles tombent enceintes

- GENEVIÈVE LAJOIE

Souvent privées d’un retrait préventif lorsqu’elles tombent enceintes, les travailleu­ses de l’industrie de la constructi­on lancent un cri du coeur pour que cesse cette « injustice ».

Qu’elles soient électricie­nnes, charpentiè­res-menuisière­s ou calorifuge­uses, des femmes qui oeuvrent dans ce milieu traditionn­ellement masculin réclament une modificati­on au programme régissant le retrait préventif afin qu'elles puissent elles aussi recevoir une indemnité correspond­ant à 90 % de leur revenu net.

Appelées à enchaîner les contrats, les travailleu­ses de la constructi­on n’ont pas droit au retrait préventif lorsque leur chantier se termine ou qu’une grossesse est déclarée entre deux contrats.

Calorifuge­use de métier depuis six ans, Milena Carbonneau, de Notre-dame-desPrairie­s, dans Lanaudière en a fait les frais. Lorsqu’elle tombe enceinte en mars 2020, elle est entre deux contrats. « Je n’ai pas eu droit à mon retrait préventif. Pour l’hiver, mon contrat était terminé, donc quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’étais sans emploi », précise-t-elle, en entrevue.

Elle a finalement dû se contenter du chômage (55 % du salaire), épuisant même les prestation­s auxquelles elle avait droit.

STRESS ET INSÉCURITÉ

La jeune femme reconnaît que cette situation a eu de l’impact sur sa grossesse. « Beaucoup de stress et de l’insécurité financière », admetelle. Milena Carbonneau estime que le programme est « injuste » envers les travailleu­ses de la constructi­on et mal adapté à son secteur d’activité. Plus encore, il décourage les femmes tentées par ce métier.

« C’est saisonnier, c’est des contrats par-dessus contrats, on a plusieurs employeurs dans une année », insiste celle qui souhaite avoir un autre enfant, mais qui « stresse » déjà à l’idée de devoir revivre une situation semblable.

« CAUCHEMAR »

Apprentie électricie­nne, Martine Vallières a découvert qu’elle était enceinte seulement deux jours après avoir changé d’employeur. Mise à pied quelques jours plus tard pour manque de travail, la jeune femme de Léry, en Montérégie, s’est retrouvée elle aussi sans emploi et sans retrait préventif. Les mois suivants furent « un cauchemar » rempli de moments « d’anxiété sévère », témoigne-t-elle.

Martine Vallières s’est sentie « abandonnée » par le système. « Il y a du travail à faire. Je ne devrais pas être obligée de considérer de changer de domaine de travail pour avoir un autre enfant. Si le gouverneme­nt et la CCQ veulent avoir plus de femmes sur les chantiers, faciliter l’accès au retrait préventif est une première étape ».

DANS LE PROJET DE LOI 59

Le Programme pour une maternité sans danger doit être adapté à l’industrie de la constructi­on, estime le président du Conseil provincial (Internatio­nal), Michel Trépanier. Selon lui, cette modificati­on devrait être faite sans délai dans le cadre de la réforme des normes de santé et de sécurité du travail du gouverneme­nt Legault. Le projet de loi 59 actuelleme­nt à l’étude du ministre Jean Boulet pourrait être adopté d’ici l’été.

« Puisque notre travail est nomade, une travailleu­se va pouvoir changer de chantier cinq, dix ou même quinze fois par année. Aussitôt qu’elle termine sur un chantier, […] on lui coupe son indemnité parce qu’on juge qu’elle a eu une perte d’emploi, que son contrat est terminé », déplore-t-il.

En raison de la rareté de main-d’oeuvre actuelle, les quelque 3500 travailleu­ses de l’industrie de la constructi­on sont précieuses. Michel Trépanier croit qu’il faut être capable de créer un environnem­ent propice pour attirer cette main-d’oeuvre et la garder.

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PHOTO AGENCE QMI, MARTIN ALARIE Milena Carbonneau, photograph­iée hier à sa résidence, estime que le programme régissant le retrait préventif est mal adapté à l’industrie de la constructi­on. Celle qui pratique le métier de calorifuge­use est tombée enceinte alors qu’elle se trouvait entre deux contrats.

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