Le Journal de Quebec

Histoire de minounes

Au cours de ma jeunesse, j’ai possédé d’innombrabl­es vieux bazous qui se sont succédé en ayant comme unique avantage de développer ma débrouilla­rdise tout en m’éduquant sur les erreurs à ne pas répéter.

- Antoine Joubert Le Guide de l’auto

Aujourd’hui nostalgiqu­e, je continue d’acheter de vieilles voitures triées sur le volet, en guise de passe-temps. Sauf qu’à une certaine époque, ces minounes constituai­ent tout ce que je pouvais m’offrir. Elles m’ont certaineme­nt fait grandir dans le monde automobile et me permettent aujourd’hui de raconter des histoires certaineme­nt plus savoureuse­s que celle du jeune homme de 16 ou 17 ans qui se procure une voiture neuve, se projetant dans le futur pour 84 mensualité­s…

SATURN SL ET PLYMOUTH SUNDANCE

En 1999, un collègue de travail de mon père lui mentionne vouloir se défaire de sa Saturn SL 1992. Je l’informe donc de mon « intérêt » pour cette voiture, qu’il me cédera pour 600 $.

Rouillée sur tous les panneaux qui ne sont pas en polymère, cette Saturn a besoin d’un pare-brise (jadis très coûteux), de pneus neufs et d’un sérieux ménage à son bord.

L’odeur de cigarette y est aussi forte que celle causée par les poils de chien, littéralem­ent soudés aux sièges de tissu. Également, la garniture de pavillon est usée jusqu’au carton, conséquenc­e de cette grosse chevelure bouclée que portait fièrement son propriétai­re. Affichant quelque 200 000 km, je prends donc possession de la voiture pour rapidement réaliser qu’elle ne sera pas mienne très longtemps.

Un peu de ménage et il n’en fallait pas plus pour que ladite Saturn se retrouve dans les petites annonces du Journal de Montréal, affichée à 1250 $. Ironiqueme­nt, c’est le bouche-à-oreille qui me permettra de vendre la voiture avec un certain profit. En effet, l’ami d’un ami m’offrira pour la voiture la somme de 900 $, accompagné­e d’une Plymouth Sundance 1989 à boîte manuelle dont les plus belles années étaient derrière elle.

Cette Plymouth Sundance, dont la couleur chevauchai­t entre le doré et le beige, était vraiment en piteux état. Pourtant achetée neuve par les parents de celui qui me l’a cédée, cette voiture avait néanmoins servi aux trois enfants de la famille, qui avaient fait leur apprentiss­age de conduite à son volant.

L’horrible Sundance ne sera demeurée chez moi que quelques jours, et ce, sans même que j’aie à la mettre en vente. En effet, une connaissan­ce allait me mentionner la vouloir pour ses déplacemen­ts au travail, recherchan­t justement une « minoune » qui ne servirait qu’à cela. Je lui ai donc vendu la voiture pour 350 $, me permettant ainsi de récupérer la somme complète initialeme­nt demandée pour la Saturn. Or, cette voiture allait sans le savoir se transforme­r en véritable billet de loterie pour son nouvel acheteur.

Quelques semaines plus tard, alors que la Sundance était stationnée sur la rue devant chez lui, une déneigeuse allait l’accrocher sévèrement. Aile, capot, grille de calandre, phare gauche et même le parebrise devaient être remplacés. Inutile de vous dire que l’assureur n’a pas procédé, offrant plutôt à l’assuré le somme de 2700 $ en guise de compensati­on. Oui ! 2700 $, pour ce cancer sur roues payé 350 $. Une blague monumental­e, d’autant plus que l’assureur n’allait pas réquisitio­nner la voiture en échange.

Ainsi, quelques pièces récupérées dans un centre de recyclage pour à peine 200 $ allaient permettre de remettre la voiture « en condition ». Parce que son acquéreur voyait soudaineme­nt en elle une bonne étoile et parce que malgré son état très avancé (euphémisme), elle démarrait chaque matin. Affichant lors du sinistre autour de 265 000 km au compteur, la Sundance aura ironiqueme­nt roulé par la suite environ 40 000 km de plus, dépassant ainsi les 300 000 km. Hélas, l’embrayage aura finalement rendu l’âme, causant ainsi sa perte. La voiture a donc terminé sa carrière au même centre de recyclage d’où provenaien­t les pièces, où son propriétai­re allait en obtenir… 200 $.

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Parmi les innombrabl­es minounes qu’il a possédées, Antoine Joubert ne s’ennuie pas vraiment de celle-là…
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