Le Journal de Quebec

L’ÉCOLE À LA MAISON L’A POUSSÉ AU DÉCROCHAGE

L’école à la maison a conduit son fils à abandonner ses études déplore une mère

- NORA T. LAMONTAGNE

Une mère impuissant­e a vu son fils de 16 ans décrocher après avoir perdu toute motivation pour les études, entre les cours en ligne et le peu d’occasions de voir ses amis depuis un an.

« Sans la pandémie, il serait resté accroché, ç’aurait été la routine. Encore l’an passé, il me parlait de son bal de finissants », regrette Stéphanie Lebel, la mère de Mathys.

Son fils, qui était en secondaire 4 à l’école des Trois-saisons, à Terrebonne quand la pandémie a frappé, s’en est d’abord tiré avec un bulletin acceptable pour cette année scolaire chamboulée.

PLUS D’INTÉRÊT

Mais la situation s’est détériorée à son retour en classe.

« De septembre à décembre, ça a été la déchéance », se rappelle sa mère, pour qui l’éducation a toujours été une priorité.

À temps plein chez son père, Mathys perd peu à peu l’intérêt pour ses études.

« L’école nous appelle quand notre enfant s’absente. Et le téléphone n’arrêtait pas de sonner », raconte Mme Lebel, une adjointe administra­tive.

L’enseigneme­nt à distance un jour sur deux n’arrange rien.

« Au début, les profs n’exigeaient pas tous la caméra. Alors il était [branché], mais sans être présent. Il était tout seul à la maison, il pouvait faire ce qu’il voulait », déplore sa mère, convaincue que les cours en ligne ne conviennen­t pas à tous.

« L’école à distance n’a certaineme­nt pas servi les élèves qui avaient déjà de la difficulté en présentiel », constate aussi Benoit Bernier, directeur du développem­ent de Déclic, un organisme qui vient en aide aux raccrocheu­rs.

De nature réservée, Mathys avait néanmoins une vie sociale à l’école et plusieurs amis hors de sa bulle-classe.

DÉSESPOIR

Stéphanie Lebel considère que l’impossibil­ité de les voir aussi souvent qu’avant a été la goutte qui a fait déborder le vase.

« Ne pas pouvoir voir ses amis, c’est beaucoup plus grave pour un adolescent que pour un adulte. Ça fait partie de leur développem­ent », affirme d’ailleurs Catherine Laurier, une professeur­e en éducation à l’université de Sherbrooke qui mène une étude sur l’adaptation des jeunes et des familles pendant la COVID-19.

En décembre, Mathys a abandonné les études, et ce, même si sa mère a tout essayé pour obtenir du soutien de la part de son école secondaire.

« Je sentais que son dossier n’était pas important, que je pédalais toute seule. J’en ai déjà pleuré de rage », témoigne-t-elle, après « maints et maints appels ».

UN FUTUR

Le centre de services scolaire des Affluents, auquel est rattachée l’école des Trois-saisons, soutient que les élèves à risque de décrochage sont suivis par des conseiller­s en orientatio­n, des psychoéduc­ateurs ou des technicien­nes en éducation spécialisé­e, au besoin.

Leur dossier demeure actif et l’école communique avec eux toutes les deux semaines pour assurer un suivi et les aiguiller vers les bonnes ressources, ajoute Éric Ladouceur, au nom du Centre de services.

Mathys se rappelle avoir eu une rencontre avec un orienteur mais dit n’avoir reçu qu’un appel de l’école depuis décembre.

Aujourd’hui, à 17 ans, il travaille à temps plein dans un restaurant mexicain du coin. « Il n’y a pas de sot métier », soupire Stéphanie Lebel.

Son garçon songe à un DEP en charpenter­ie-menuiserie éventuelle­ment, mais rien n’est encore sûr. Sa mère croise les doigts.

 ??  ??
 ?? PHOTO CHANTAL POIRIER ?? Mathys avec sa mère, Stéphanie Lebel, qui déplore le manque d’encadremen­t des jeunes en situation de décrochage pendant la pandémie.
PHOTO CHANTAL POIRIER Mathys avec sa mère, Stéphanie Lebel, qui déplore le manque d’encadremen­t des jeunes en situation de décrochage pendant la pandémie.

Newspapers in French

Newspapers from Canada