Factures salées cachées durant trois ans aux contribuables
Un hôpital montréalais refusait de dévoiler le coût de travaux faits en PPP, dont deux prises électriques à 5800 $
Le Centre universitaire de santé Mcgill a refusé pendant près de trois ans de révéler combien ont coûté des travaux d’amélioration du nouvel hôpital géré en partenariat public-privé.
Après 30 mois de bataille devant la Commission d’accès à l’information, notre Bureau d’enquête a obtenu les coûts des travaux mineurs payés avec l’argent des contribuables. L’hôpital et la firme responsable de ce projet, Snc-lavalin, se renvoient la balle pour expliquer ce long délai.
On peut donc enfin savoir que l’hôpital montréalais a versé 5846 $ pour installer deux prises électriques servant à brancher des congélateurs.
« La même prise qui peut coûter 2000 $ ou 3000 $ va coûter entre 800 et 1000 $ dans un autre hôpital », nous indique une source.
L’établissement a aussi payé 8191 $ pour faire installer une soixantaine de pavés sur une terrasse et 33 067 $ pour élargir deux portes ( voir les exemples ci-contre).
Le nouvel hôpital a été inauguré en 2015. Construit au coût de 1,45 milliard $, il regroupe les anciens hôpitaux Royal Victoria, Montréal pour enfants et Shriners.
Snc-lavalin avait donné 22,5 millions $ en pots-de-vin pour obtenir le contrat de construction et de gestion en partenariat public-privé (PPP) pour 30 ans.
« C’EST INACCEPTABLE »
Puisqu’il s’agit d’un PPP, la firme n’a pas l’obligation de diffuser publiquement le résultat de ses appels d’offres au Centre universitaire de santé Mcgill (CUSM).
« C’est inacceptable », dénonce le président de la Fédération de la santé-csn, Jeff Begley.
« Cette façon de faire ouvre la porte à des appels d’offres organisés. Il n’y a aucune transparence. »
En plus du coût pour des travaux eux-mêmes, une partie de la facture va en frais de gestion et en profits pour SNC-LAvalin et pour le sous-traitant embauché pour le chantier. Cela peut représenter entre 15 et 20 % du coût total.
ILS SE RENVOIENT LA BALLE
En 2018, le CUSM avait refusé notre demande afin d’obtenir la liste des coûts pour les travaux mineurs sous prétexte que son partenaire privé, Snc-lavalin, s’opposait à leur diffusion pour des raisons commerciales et de compétitivité.
« Il s’agissait d’information relevant d’un tiers [SNC] et, en l’absence d’autorisation de [sa] part, nous ne pouvions transmettre l’information », a dit la porte-parole du CUSM, Gilda Salomone.
La multinationale soutient pour sa part qu’elle était prête dès février 2019 à remettre la liste des coûts, mais que le centre hospitalier n’y aurait pas donné suite.
Il a fallu attendre des rencontres devant la Commission d’accès à l’information pour que la liste soit finalement transmise en avril dernier.
RECOURS AUX TRIBUNAUX
Depuis une dizaine d’années, les politiciens à Québec ont promis une réforme de la loi d’accès aux documents pour éviter ce genre de délais ( voir autre texte).
« Nous n’avons pas le choix, nous aurons de plus en plus recours aux tribunaux pour forcer les organismes publics à rendre des comptes aux contribuables. Ce sera notre contribution concrète dans le combat pour la liberté de presse », a dit le rédacteur en chef du Journal de Montréal, Dany Doucet.
Ce n’est pas la première fois que des coûts font sursauter au nouvel hôpital. En 2015, notre Bureau d’enquête avait révélé une série d’extras au moment de son ouverture. Le CUSM avait payé 409 $ pour déplacer un distributeur à savon ou 26 500 $ pour installer une vingtaine de téléviseurs.