Les cours sont pourtant pleines
Pendant qu’elles soutiennent qu’il y a une pénurie, les scieries ont un inventaire élevé
C’est à n’y rien comprendre. Tandis qu’entrepreneurs et détaillants de matériaux de construction suggèrent une pénurie depuis des semaines pour expliquer leurs faibles inventaires, les cours des grands acteurs de l’industrie du sciage au Québec débordent.
C’est l’un des paradoxes qu’ont pu constater Le Journal et TVA Nouvelles après que ce constat eut fait sourciller bien des Québécois ces dernières semaines. Par dizaines, ces derniers nous ont envoyé des clichés de leur coin de pays, montrant quantité de bois – brut ou transformé – accumulé dans les cours des usines de transformation.
Du haut des airs, à bord de l’hélicoptère TVA, TVA Nouvelles a pu constater aussi le niveau d’activité élevé dans certaines scieries du Québec.
Est-ce que les Rayonier, Forex, Remabec, White Birch et Résolu de ce monde, présents dans toutes les régions forestières de la province, fomenteraient une pénurie artificielle pour provoquer l’explosion du prix du bois que l’on connaît partout en Amérique du Nord ?
CRISE ARTIFICIELLE ?
Nous avons posé la question : « Impossible », répond du tac au tac John Duncanson, vice-président principal et analyste de l’industrie du bois d’oeuvre pour la société d’investissement Corton Capital, de Toronto.
Son avis rejoint ceux obtenus ces derniers jours tant du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) qui représente les exploitants que des détaillants qui doivent composer avec des hausses du prix du bois de 300 % depuis un an.
« Bien des gens s’étonnent de ces surplus d’inventaires. Et on ne peut certes pas le leur reprocher, affirme John Duncanson. Mais je vous assure que c’est mal comprendre la situation que l’on vit, qui est somme toute exceptionnelle. »
PROBLÈMES DE DISTRIBUTION
Des surplus d’inventaires à la veille de la forte saison de la construction ne sont pas anormaux. Cela constitue au contraire une bonne pratique, compte tenu du fait que le gros des besoins dans la construction survient au printemps.
Cela dit, remarque-t-il, il est quand même juste d’observer que les inventaires de cette année furent plus importants qu’en temps normal. Pourquoi ? Principalement en raison de difficultés de distribution, nous a confirmé le PDG de Produits forestiers Résolu, Rémi Lalonde.
L’entreprise, qui compte une douzaine de scieries dans la province, 4500 employés, et exporte aux États-unis « entre 55 % et 60 % » de sa production locale, a en effet dû composer avec les ralentissements des transports qu’ont provoqués les vagues de froid dans plusieurs États, dont le Texas.
PRIX ET PROFITS ÉLEVÉS
Ces difficultés logistiques n’ont pas empêché pour autant les grands de l’industrie forestière de tirer profit de la forte demande pour les produits du bois d’oeuvre, ici comme aux États-unis.
À preuve, au cours des trois premiers mois de l’année, les prix de vente moyens du bois ont crû de 44 % chez Résolu, une tendance en voie de se poursuivre, nous a confié son PDG. À tel point que le bois, qui ne représente que 50 % de ses ventes, a été responsable de la totalité de son bénéfice net de 87 M$ US pour cette période. De plus, la performance boursière des papetières depuis un an atteint des sommets (voir tableau en page de gauche).
Michel Vincent, économiste du CIFQ, estime que la forte demande responsable des hausses de prix et des forts délais actuels (4 à 6 semaines) risque de se poursuivre. Outre la pandémie et ses restrictions sur la consommation (loisirs, voyages), il rappelle que les retards accumulés de constructions neuves depuis la crise des subprimes ne disparaîtront pas de sitôt aux États-unis.
-En collaboration avec TVA Nouvelles