Le Journal de Quebec

Un autre commissair­e ? Une autre charte ?

Porter un regard critique sur le rapport Laurent n’est pas une mince tâche.

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Il fut bien accueilli. Il est très riche. Je me risquerais quand même à soulever ceci : avons-nous vraiment besoin, pour éviter d’autres morts atroces comme celle de la petite fille de Granby, d’une autre charte et d’un autre commissair­e, deux de ses recommanda­tions phares ?

J’en doute.

ÇA EXISTE DÉJÀ

Ce fut aussi l’une des réactions préliminai­res de Manon Massé, de QS, lors du dépôt du rapport. Elle souligna entre autres qu’une Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) existe déjà.

En effet. La Charte des droits et libertés de la personne a été adoptée en 1975. À l’article 57, elle crée la CDPDJ, qui doit « veiller au respect des principes énoncés dans la présente Charte ainsi qu’à la protection de l’intérêt de l’enfant et au respect des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse » [LPJ].

Article 39 : « Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l’attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner ».

Tous les 30 juin, la Commission doit déposer un rapport « sur ses activités et ses recommanda­tions [...] en matière de protection de l’intérêt de l’enfant ainsi que de promotion et de respect des droits de celui-ci ».

Les auteurs du rapport Laurent estiment qu’une nouvelle charte permettrai­t surtout de « réaffirmer » que l’enfant est un « sujet de droit » ; et que la notion d’« intérêt de l’enfant » est cruciale et doit être davantage utilisée.

Nul besoin d’une nouvelle charte pour cela ! La CDPDJ elle-même craint que la Charte des droits de l’enfant proposée par la Commission Laurent « ne mène à des interpréta­tions des droits de l’enfant incohérent­es » et nuise « à une analyse et une lecture croisées des lois leur reconnaiss­ant des droits ».

MODE

Il fut un temps au Québec où, lorsqu’on voulait régler un problème, on créait un « conseil » :... du statut de la femme ; ... supérieur de l’éducation ; ... permanent de la Jeunesse (aboli en 2011).

Depuis quelques années, on se passionne pour la création de postes de « commissair­e » : au lobbyisme, au développem­ent durable, à la santé et au bienêtre, à l’éthique.

Normal, on rêve tous à l’émergence de superhéros du bien commun ; êtres objectifs, incorrupti­bles, qui diront la vérité et redressero­nt les torts.

Mais cela relève en partie de l’utopie, voire d’une sorte de pensée magique juridique. À preuve, en matière d’enfance, tous les outils juridiques existent depuis des décennies et un commissair­e est même là pour les promouvoir et les faire respecter.

Ne vaudrait-il pas mieux s’inspirer des réflexes collectifs observés lors de la vague récente de féminicide­s ? L’impulsion dominante ne fut pas de réclamer quelque charte des droits des femmes ou de prôner la création d’un Commissair­e à la protection des femmes. Non, on pressa le gouverneme­nt d’agir vite, de financer les agentes protectric­es existantes.

Face aux infanticid­es, le même type d’urgence existe. Évidemment, cela n’exclut pas, dans un deuxième temps, une révision de la LPJ.

Depuis quelques années, on se passionne pour la création de postes de « commissair­e »

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