Le bouclier de François Legault
À moins d’un séisme politique spectaculaire d’ici les élections du 3 octobre 2022, la CAQ de François Legault vogue sans grande concurrence vers un deuxième mandat majoritaire.
Tout peut changer vite. On le sait. La CAQ trône néanmoins seule depuis longtemps au sommet des intentions de vote. Le dernier sondage Léger/le Journal le confirme à nouveau.
À 46 % d’appuis, le gouvernement rafle plus de la moitié des francophones, dont 75 % s’en disent aussi satisfaits. Un score stratosphérique. Pour les autres partis, au sein de l’électorat francophone, il ne reste que des miettes.
10 % au PLQ. 15 % chacun au PQ et à QS. Quant aux 6 % du Parti conservateur du Québec d’éric Duhaime, ça sent le feu de paille nourri surtout par la mouvance anti-mesures sanitaires.
Bref, rien n’égratigne l’armure de François Legault. Pas même l’hécatombe du printemps 2020 dans les CHSLD. Sa gestion de la pandémie, portée par une troisième vague plus limitée et une campagne réussie de vaccination, lui vaut l’approbation d’une vaste majorité de la population.
Son secret ? Sa capacité initiale à « réinventer » la CAQ en un parti de centre et d’apparence nationaliste continue d’y être pour beaucoup. En cela, son mérite premier est de reposer ses électeurs d’un PLQ discrédité par les années Couillard-barrette, et d’un PQ méconnaissable depuis longtemps à force de s’éloigner de sa raison d’être.
MAIS IL Y A PLUS…
Mais il y a plus. Un taux de satisfaction de 69 % doit s’expliquer bien au-delà de telle loi ou de telle mesure. Car le Québec n’est pas une société unanimiste. Même la loi 21 sur la laïcité, populaire chez la majorité, ne l’est pas pour autant auprès d’une minorité de francophones.
On peut aussi s’attendre à ce que la future refonte « costaude » de la loi 101, promise par M. Legault, n’y fasse pas non plus l’unanimité.
Sans trop verser dans la psychologie collective – un élément non moins majeur en politique –, c’est ici qu’on voit tout le pouvoir de ce que j’appellerais le « bouclier » de François Legault.
Son bouclier, c’est l’affection et la confiance qu’il s’avère capable de susciter chez de nombreux Québécois. Incluant même une bonne partie de ceux et celles qui ne votent pas pour la CAQ.
Selon le dernier Léger, 59 % des électeurs libéraux se disent en effet satisfaits du gouvernement Legault. Au sein des électeurs de QS, c’est 42 %. Chez ceux du PQ, ça grimpe à 63 %. C’est beaucoup.
BOUCLIER RENFORCÉ PAR LA PANDÉMIE
Cela explique pourquoi l’étiquette de « déconnecté » que tentent de coller les partis d’opposition au front de M. Legault est un coup d’épée dans l’eau.
Sous la pandémie, le bouclier du premier ministre s’est même renforcé. Une fois la crise passée un jour, le sera-t-il toujours ? Vaste question.
L’affection et la confiance envers un chef de gouvernement sont pour lui des denrées puissantes. C’est un capital précieux. L’histoire nous enseigne toutefois qu’il n’est pas éternel.
Pensons entre autres à René Lévesque. Son deuxième mandat s’est terminé dans le déshonneur. Ou encore, à Lucien Bouchard. Sa victoire électorale serrée en 1998 fut nettement inférieure aux attentes.
Et pour François Legault ? Seul le temps le dira. S’il prend soin de ne pas trop égratigner lui-même son propre bouclier dans l’après-covid, ses raisons de s’inquiéter dans les prochaines années pourraient se faire rares.