Google plus important que nos terres agricoles
Québec est accusé par certains d’accorder des privilèges au géant du web au détriment des agriculteurs d’ici
Des agriculteurs québécois digèrent mal de voir Google débarquer à Beauharnois avec l’intention de bâtir un centre de données de 735 M$ sur des terres cultivables propriétés d’hydro-québec.
« Pourquoi Google va se chercher quelque chose que le commun des mortels ne peut pas aller se chercher auprès du gouvernement », s’est demandé Jérémie Letellier, président de l’union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie, après avoir publié un communiqué disant ne pas « douter de la bonne foi des intervenants ».
Hier, le géant américain a annoncé son désir d’acquérir un terrain à Beauharnois pour bâtir son premier centre de données au pays. Le projet de 735 millions de dollars créerait une trentaine d’emplois.
Pour l’instant, on ignore la superficie qu’aurait ce centre de données, qui pourrait créer entre 300 et 500 emplois lors de sa construction.
« On n’a pas encore ces détails. À ce stade, il s’agit d’une intention d’acquérir le terrain à Beauharnois. La prochaine étape sera l’acquisition et, dans le futur, potentiellement nous y bâtirons un centre de données », a précisé au Journal hier sa porte-parole Luiza Staniec.
MÉCONTENTEMENT
Or, depuis le début, la Fédération est contre le « changement de zonage de 62,4 hectares des plus belles terres agricoles au Québec », selon L’UPA Montérégie.
D’après le syndicat, Québec a adopté un décret pour aider Google à avoir un terrain sans passer par le processus normal de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), ce qui ne passe pas.
« Cette terre-là, on la perd. On va mettre de la garnotte. On va construire par-dessus », a confié avec tristesse au Journal hier un agriculteur du coin, en refusant d’être identifié.
Lors du passage du Journal, le maire de Beauharnois, Bruno Tremblay, avait une autre vision de projet, qui serait structurant pour sa ville.
« Il y a eu rétrocession d’une superficie équivalente redonnée en agriculture », a-t-il rappelé, en soulignant que Google n’a obtenu aucun rabais fiscal.
« Si la transaction s’apparente au taux des terrains que nous avons vendus (3,50 $ du pied carré), on parle d’environ 600 000 $ en droit de mutation », a-t-il ajouté.
Selon Bruno Tremblay, ce qui a attiré Google dans sa cour est la proximité du poste d’hydro-québec de Léry.
« Dans ce cas-ci, c’est notre hydro-électricité fiable et pas chère qui a fait pencher la balance », a aussi souligné Stéphane Paquet, PDG de Montréal International (MI), qui constate une soif de plus en plus grande pour elle.
Hier, le ministère de l’économie a indiqué qu’aucune aide financière n’a été accordée à Google pour ce projet de centre de données à Beauharnois.
Hydro-québec a dit que Google n’aura pas de congé fiscal. « Google aura simplement droit au tarif LG », a dit son porte-parole Marc-antoine Pouliot.
QUÉBEC SENSIBLE AUX DEMANDES
Joint par Le Journal, le cabinet du ministre de l’agriculture, André Lamontagne, a insisté pour dire que Québec avait défendu l’intérêt du milieu agricole depuis le début dans ce dossier.
Compensation historique, superficie de 62,4 hectares dézonée, 3,5 millions de dollars et plus de 200 hectares d’hydro-québec transférés à la Fiducie Upa-fondaction, 2,7 millions de dollars à la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM)… le gouvernement Legault a été sensible aux demandes des agriculteurs, a-t-on plaidé.
« Le ministre s’est assuré que notre gouvernement mette en place des mesures sans précédent pour atténuer les répercussions du projet sur la zone agricole », a résumé l’attaché de presse de M. Lamontagne, Laurence Voyzelle.
Google souhaite toujours accueillir quelque 1000 employés à ses nouveaux bureaux de la rue Viger, à Montréal. La multinationale américaine a récemment investi plus de trois millions dans le Mila pour nourrir les recherches en intelligence artificielle au Québec.