Le Journal de Quebec

Un confinemen­t de trois mois

L’équipe canadienne de water-polo ne sera de retour à la maison qu’après les Jeux olympiques

- RICHARD BOUTIN

L’équipe canadienne de water-polo féminin amorce aujourd’hui une expérience complèteme­nt inédite dans le monde du sport.

Ce séjour de trois mois sur la route qui va les mener jusqu’aux Jeux olympiques de Tokyo à compter du 23 juillet n’était pas l’option A, mais il est devenu nécessaire puisque le Canada n’a pas disputé de match officiel depuis la Coupe Canada en décembre 2019, à Montréal, en raison de la pandémie et des contrainte­s de voyage qui s’y rattachent.

Partie hier, l’équipe canadienne passera près de trois semaines à Long Beach, en Californie, sur la base militaire de Los Alamitos, au sud de Los Angeles, où l’équipe américaine s’entraîne.

Trois parties sont au programme contre la meilleure équipe au monde en plus d’entraîneme­nts conjoints.

L’italie, pour se frotter à l’équipe nationale qui n’est pas qualifiée pour les Jeux, et la Ligue mondiale en Grèce suivront avant le tournoi olympique.

« Si on avait eu le choix, on serait partie uniquement pour la Super Finale en Grèce [14 au 19 juin], mais on n’avait pas le choix, résume l’entraîneur-chef David Paradelo. On n’a pas joué de match officiel depuis un an et demi et on avait besoin de voir de l’action. C’est parfait pour nous d’affronter les Américaine­s en partant parce qu’on va savoir où l’on se situe et ça va permettre de s’améliorer et de peaufiner notre jeu. Les Américaine­s sont dans la même situation que nous et elles voient ça d’un bon oeil. »

Paradelo a fouillé pour vérifier si une équipe avait déjà vécu un tel périple pour obtenir des conseils, mais il n’a rien trouvé.

« Il n’y a aucun programme qui est parti aussi longtemps, ce qui ajoute un stress, convient-il. Le plus longtemps que nous sommes partis dans le passé est un mois et demi. Le confinemen­t a été tellement long que j’ai dit aux filles que nous allions vivre un autre confinemen­t de trois mois. »

SACRIFICES TRÈS IMPORTANTS

S’il refusait de parler de sacrifices dans le passé, mais utilisait plutôt le mot « engagement » pour expliquer l’implicatio­n des joueuses, l’entraîneur montréalai­s a changé d’avis cette année.

Les filles qui habitaient Montréal ont quitté mari et famille pour se retrouver entre elles depuis janvier dans des appartemen­ts afin de former une bulle, condition obligatoir­e pour tenir des séances avec contact à L’INS (Institut national du sport du Québec).

Le coach s’est aussi plié à cette consigne de L’INS en quittant sa femme et son fils pour aller habiter dans le sous-sol de ses parents.

« Les filles ne jouent pas au water-polo parce qu’elles veulent nager et il y a eu des hauts et des bas de septembre à décembre et ça devenait lourd par moments. Il a fallu être créatif et viser des victoires à court terme, mais les filles sont ressorties grandies de cette expérience. Tous ces sacrifices ont été faits avec l’objectif de bien performer aux Jeux. »

Joëlle Bekhazi a vécu une situation similaire. Elle a quitté son mari pour rejoindre la bulle et vivre son rêve olympique.

Pour ajouter au portrait, elle ne sera pas en mesure de voir son mari avant de partir pour la Californie parce qu’il a dû s’isoler après avoir contracté le virus.

ÉMOTIONS

« J’ai pleuré quand j’ai appris que je ne pourrais pas le voir avant de partir, confie la vétérante de l’équipe canadienne, qui s’envolera le 14 mai, après avoir passé ses examens finaux en ostéopathi­e. Ce n’est pas impossible ce qu’on fait, mais c’est très difficile. Pour la première fois, il m’a dit ça va être long. Depuis janvier, je retournais chez moi et on se voyait quatre jours par mois. Ça m’a sauvée. »

« C’est triste de ne pas le voir, d’ajouter Bekhazi, qui enfile le maillot canadien depuis 2005, mais je me dis qu’il va être mon mari le reste de ma vie alors qu’il reste moins de 100 jours avant les Jeux, ce qui représente 0,326 % de ma vie. La nouvelle m’a frappée dans le ventre et j’ai eu besoin de quelques jours pour digérer le tout, mais je suis dédiée à mon sport et il n’y a rien qui peut m’arrêter. »

 ?? PHOTO WATER-POLO CANADA DIANE BEKHAZI ?? L’entraîneur David Paradelo et ses protégées sont partis, hier, pour trois mois en préparatio­n des Jeux olympiques. Sur la vignette, il transmet ses consignes à l’occasion d’un match de la Coupe Canada en décembre 2019, à Montréal.
PHOTO WATER-POLO CANADA DIANE BEKHAZI L’entraîneur David Paradelo et ses protégées sont partis, hier, pour trois mois en préparatio­n des Jeux olympiques. Sur la vignette, il transmet ses consignes à l’occasion d’un match de la Coupe Canada en décembre 2019, à Montréal.

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