Le Journal de Quebec

Ottawa s’attaque aux sofas chinois

Les détaillant­s de meubles craignent de faire les frais du conflit diplomatiq­ue opposant la Chine au Canada

- MARTIN JOLICOEUR ET JEAN-MICHEL GENOIS GAGNON

À quelques semaines de la période des déménageme­nts, les détaillant­s de meubles de la province, comme ceux du reste du pays, sont sous le choc. Et ce ne serait qu’une question de temps avant que leurs clients le soient tout autant.

Depuis une semaine, Ottawa impose de nouveaux tarifs sur les quantités de meubles et de sièges rembourrés (fauteuils, sofas, chaises) importés par des entreprise­s chinoises et vietnamien­nes, soupçonnée­s de pratiques commercial­es déloyales. Ces nouveaux tarifs à l’importatio­n varient, selon le fabricant, entre 40 % et 295 %.

« C’est la première fois que je vois une telle chose, avoue Jacques Tanguay, vice-président d’ameublemen­ts Tanguay. Pour certains produits, cela dépasse les 200 %. Ce n’est pas 200 % de la taxe, mais bien 200 % de la facture totale. Ça n’a ni queue ni tête. »

SOUPÇONS DE DUMPING

Dans une déclaratio­n écrite acheminée au Journal, le gouverneme­nt explique que les fabricants de meubles canadiens ont le droit d’être protégés contre les importatio­ns de marchandis­es « sous-évaluées ou subvention­nées ».

Or, au terme d’enquêtes menées à la suite d’une plainte d’un manufactur­ier de Colombie-britanniqu­e, l’agence des services frontalier­s du Canada a conclu que les importatio­ns de mobiliers d’une quarantain­e d’entreprise­s de Chine et du Vietnam répondaien­t à ces critères permettant des « prix inéquitabl­es ».

Ce serait finalement pour compenser les « effets néfastes du dumping et du subvention­nement », que les douanes canadienne­s imposent ces nouveaux droits provisoire­s.

SUR LE DOS DES CLIENTS?

Quoi qu’il en soit, Jacques Tanguay se désole des répercussi­ons que pourraient avoir ces nouveaux droits sur les consommate­urs.

« Tu ne peux pas prendre quelque chose qui vaut 1500 $, aujourd’hui, et dire qu’il vaut 4500 $ demain. Pour les consommate­urs, ce n’est même pas un choix, c’est fini. »

Au fait du dossier, le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) s’inquiète que l’imposition de cette « surtaxe » aux Brault & Martineau, Brick, Structube, JC Perreault et Maison Corbeil de ce monde, s’inscrive dans la continuité du conflit diplomatiq­ue en cours entre la Chine et le Canada.

Son directeur des relations gouverneme­ntales, Jean-françois Belleau, soutient que les consommate­urs « sont en droit d’avoir accès à des meubles de toutes les gammes. [...] »

Actuelleme­nt, le pays compterait 3000 détaillant­s de meubles. La majorité vend des meubles importés. De ces importatio­ns, au moins la moitié proviendra­it de Chine.

Le CCCD rappelle que pour les manufactur­iers de meubles de Chine et du Vietnam, le Canada ne représente qu’une infime portion de leurs exportatio­ns, soit environ 3 %. Cette réalité fait craindre, affirme M. Belleau, que « cette surtaxe fera au final plus de victimes collatéral­es au Canada qu’en Chine et au Vietnam ».

COINCÉES AU PORT

Déjà, ses effets commencera­ient à se faire sentir dans les principaux ports du pays. Incapables de payer les nouveaux droits imposés par Ottawa pour décourager ces importatio­ns asiatiques, des détaillant­s feraient des pieds et des mains actuelleme­nt pour annuler leurs commandes avant qu’elles n’arrivent au pays.

Mais leur tâche s’avère tout sauf facile, soutient Pierre Dolbec, président de Dolbec Internatio­nal, un des plus importants courtiers en transport au Québec.

« Dans de tels cas, même si les entreprise­s souhaitent annuler des commandes, lorsque la marchandis­e est sur l’eau, elles ne peuvent pas. Il y a des pénalités. Les compagnies sont coincées. »

« TU NE PEUX PAS PRENDRE QUELQUE CHOSE QUI VAUT 1500 $, AUJOURD’HUI, A ET DIRE QU’IL Q VAUT 4500 $ DEMAIN » – Jacques Tanguay

 ?? PHOTOS STEVENS LEBLANC ET JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS ?? Le vice-président du détaillant Ameublemen­ts Tanguay, Jacques Tanguay (en médaillon), se désole des répercussi­ons que pourraient avoir les nouveaux tarifs imposés aux entreprise­s chinoises et vietnamien­nes sur les consommate­urs québécois.
PHOTOS STEVENS LEBLANC ET JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS Le vice-président du détaillant Ameublemen­ts Tanguay, Jacques Tanguay (en médaillon), se désole des répercussi­ons que pourraient avoir les nouveaux tarifs imposés aux entreprise­s chinoises et vietnamien­nes sur les consommate­urs québécois.

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