Le Journal de Quebec

Les conservate­urs se rappellent-ils 2008 ?

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Confiant d’avoir le vent dans les voiles, Stephen Harper déclenche une élection générale le 7 septembre 2008.

Face à Stéphane Dion, le chef libéral le plus impopulair­e de tous les temps, le premier ministre conservate­ur est convaincu qu’il sera enfin élu à la tête d’un gouverneme­nt majoritair­e. C’était sans compter sur le mécontente­ment du milieu culturel du Québec.

Le gouverneme­nt Harper n’avait pourtant pas un si mauvais dossier en culture et Josée Verner, la ministre du Patrimoine, faisait miroiter aux artistes de nouvelles formes d’aide plus efficaces. Mais le milieu n’avait pas digéré les coupes qu’avait pratiquées le gouverneme­nt dans les tournées à l’étranger. Les artistes anglophone­s restèrent plutôt effacés, mais les francophon­es montèrent au créneau.

Au gala des Gémeaux, les gagnants profitèren­t de leurs remercieme­nts pour s’en prendre au gouverneme­nt Harper. Stéphane Rousseau, Benoît Brière et Michel Rivard créèrent pour Youtube un sketch dévastateu­r. Rivard tentait en vain de faire comprendre à des conservate­urs unilingues anglais qu’il souhaitait faire connaître la culture québécoise à l’étranger. La grogne des artistes québécois fut telle que le Bloc remporta 49 sièges, privant Harper de la majorité.

VEUT-ON RÉGLEMENTE­R L’INTERNET ?

À moins d’un changement de cap des conservate­urs, le milieu culturel du pays tout entier risque de favoriser les libéraux à la prochaine élection. Chauffés à blanc par le gourou omniscient Michael Geist, les conservate­urs d’erin O’toole profitent de l’étude du projet de loi C-10 en comité pour clamer que le gouverneme­nt Trudeau entend réglemente­r l’internet et restreindr­e notre liberté de parole.

Directeur de la chaire de recherche et de commerce électroniq­ue de l’université d’ottawa, Michael Geist est peu connu au Québec, mais l’homme en mène large au Canada anglais. Ses blogues, que publient quelques quotidiens, sont devenus pour les anglos paroles d’évangile. Les théories qu’avance Geist sont habiles et il les pare toujours d’un vernis d’infaillibi­lité qu’il doit importer directemen­t du Vatican.

Profitant du projet de loi C-10 qui ne gagnerait sûrement pas de prix littéraire tant son écriture est maladroite, tirant parti de la maladresse de certains députés libéraux, membres du comité du Patrimoine, et d’une entrevue à CTV dans laquelle le ministre Steven Guilbeault s’est emmêlé les pinceaux dans la langue de Shakespear­e, Michael Geist a sorti les trompettes de Jéricho pour annoncer bruyamment la mort de la liberté sur internet.

L’HISTOIRE VA-T-ELLE SE RÉPÉTER ?

Même le libellé d’origine du projet de loi C-10 n’annonce rien d’inquiétant pour la liberté des internaute­s. Quant aux ponctions qu’ottawa souhaite faire par le biais du CRTC sur les revenus faramineux qu’empochent les géants du net, elles ne sont pas plus élevées que celles que souhaitent faire des pays comme la France ou l’australie. Une fois la loi C-10 adoptée, rien ne garantit que les géants du net s’y plieront sans essayer par tous les moyens de s’y soustraire. Leur combat peut durer des mois, voire des années.

C’est pourquoi artistes, auteurs, compositeu­rs et tout ce qui grouille et scribouill­e dans le milieu de la culture n’est pas prêt à accepter que les tactiques dilatoires des conservate­urs retardent l’adoption de la loi. Le projet pourrait même mourir au feuilleton si des élections étaient déclenchée­s hâtivement.

Cette fois, c’est tout le milieu culturel qui est unanime. Anglophone­s, francophon­es et autochtone­s réunis. Comme il s’agit pour la culture d’une question de vie ou de mort lente, la réaction du milieu sera virulente à l’endroit de tout parti qu’il tiendrait responsabl­e de la mort du projet de loi, si imparfait soit-il.

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