Discipliner les juges coûte cher et donne peu de résultats
Le processus est lourd et les options pour sanctionner les magistrats sont limitées
Examiner les cas des juges au comportement fautif n’est pas un processus simple, et c’en est un qui est dispendieux, avec des résultats limités.
On en a eu un exemple cette semaine lors de l’audition du cas du juge Gérard Dugré devant le Conseil canadien de la magistrature, à qui l’on reproche d’avoir multiplié les commentaires douteux.
Pour entendre les quatre dossiers disciplinaires contre le magistrat de la Cour supérieure du Québec, on devra consacrer six semaines d’auditions nécessitant la présence de deux juges et de quatre avocats, tout cela entièrement aux frais des contribuables.
On ne peut pas anticiper les conclusions des procédures à l’endroit du juge Dugré, mais, chose certaine, la gamme des mesures contre lui, s’il devait y en avoir, sera limitée.
Comparativement aux autres professions reconnues, les juges ont, en effet, droit à un traitement particulier.
IMPRESSION RÉELLE
« La perception que les juges ne sont pas traités comme les avocats ou les médecins est réelle », explique le professeur Pierre Thibault, qui est doyen adjoint à la Faculté de droit de l’université d’ottawa.
« Ils sont les seuls qui jouissent de l’indépendance judiciaire », ajoute-t-il.
Ce principe les soustrait à des punitions comprenant une suspension de leur salaire. Les juges peuvent être blâmés ou destitués, mais pas faire l’objet d’une sanction, précise M. Thibault. De cette façon, ils seraient à l’abri de plaintes visant à les intimider.
De plus, la destitution d’un juge n’est pas simple, puisqu’elle doit être approuvée en fin de compte par le Parlement.
Dans les dernières années, on a eu droit à des cas lourds, comme celui du juge Michel Girouard (voir autre texte), de la Cour supérieure du Québec, soupçonné d’avoir accepté de la cocaïne pour le paiement de ses services alors qu’il était avocat. Il a fini par démissionner de son poste, en février dernier, juste avant qu’il soit destitué.
Le dossier du juge Gérard Dugré lui aussi se distingue, parce qu’il ne comporte pas moins de quatre plaintes différentes. Son comportement en cour est en cause dans trois d’entre elles.
HUMOUR DOUTEUX
Cette semaine, lors des auditions du Conseil de la magistrature, on a eu droit à des échantillons de son humour douteux et de ses commentaires hors sujet, proférés alors qu’il présidait un procès opposant deux associés dans une compagnie.
Ainsi a-t-on pu entendre dans les bandes sonores diffusées devant le Conseil qu’il n’a pas pu s’empêcher de demander, à la blague, à l’avocat représentant l’un des deux associés qui avait obtenu des contrats avec le festival Juste pour rire : « Votre client n’est pas accusé d’agression sexuelle encore ? »
Le juge Dugré faisait référence au fondateur du festival, Gilbert Rozon.