Le Journal de Quebec

Votre verre d’eau, avec ou sans amiante ?

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Amiante est un mot qui résonne encore au Québec, même si ça fait 10 ans que les dernières mines ont fermé et plus de 40 ans qu’on s’efforce de la retirer des édifices.

Il faudrait vraiment être mal intentionn­é pour remettre en question les multiples études scientifiq­ues bien documentée­s qui ont associé l’inhalation des fibres d’amiante à des fibroses pulmonaire­s et des cancers.

Ce n’est pas pour rien qu’asbestos a changé son nom pour Val-des-sources l’an dernier. Elle ne voulait plus être associée à ce minerai toxique.

Doit-on conclure pour autant que nous maîtrisons aujourd’hui tous les risques associés à l’exposition à l’amiante ? Rien n’est moins sûr.

Notre Bureau d’enquête s’est penché, au cours des derniers mois, sur une utilisatio­n méconnue de l’amiante, qui a pourtant été assez répandue dans la province pendant des décennies : la constructi­on de tuyaux d’eau potable.

INQUIÉTUDE­S

Le phénomène est mal documenté, mais nos recherches ont permis de conclure qu’il y a au moins 1000 km de conduites en amiante-ciment au Québec, réparties dans quelque 200 municipali­tés. Mes collègues Annabelle Blais et Anne-caroline Desplanque­s ont aussi donné la parole à des experts et étudié les cas d’autres juridictio­ns dans le monde qui ont mené des analyses.

Le résultat de leur travail, présenté aujourd’hui en pages 2 et 103, ainsi que 16 à 18, donne certaineme­nt matière à réflexion. Le Canada reconnaît qu’il y a des risques à respirer des fibres d’amiante. Mais officielle­ment, il n’identifie pas de risques à en ingérer, comme ça peut être le cas si l’eau que vous buvez a circulé dans des conduites fabriquées avec ce matériau.

Or, Ottawa se base sur de la « vieille science », c’està-dire des données qui datent des années 1980, selon le Dr Arthur Frank, de l’université Drexel à Philadelph­ie, interrogé par notre Bureau d’enquête.

Des études plus récentes effectuées aux États-unis et en Italie, notamment, montrent des impacts sur le système gastro-intestinal et les ovaires. L’agence de la protection environnem­entale américaine estime que l’ingestion de fibres d’amiante est liée au risque de développer des polypes intestinau­x.

QUE FAIT QUÉBEC ?

Le dossier des conduites en amiante ne semble pas être une priorité du ministre de l’environnem­ent du Québec, Benoit Charette. Nos journalist­es ont dû insister pour avoir ses commentair­es. Des tests d’eau potable commencero­nt à la fin de l’an prochain, si tout se passe comme prévu.

Vivement qu’on fasse ces tests, car s’il y a bien une chose que la pandémie de COVID-19 nous a enseignée, c’est que plus on fait de la recherche scientifiq­ue, plus notre compréhens­ion d’un phénomène peut évoluer. Comme société, on parfait nos connaissan­ces, on découvre des risques, on en efface d’autres, et on ajuste nos pratiques.

C’est avec des données probantes, actuelleme­nt presque inexistant­es, qu’on saura à quoi s’en tenir au sujet des tuyaux en amiante.

N’oublions pas qu’au siècle dernier, isoler une école primaire avec des matériaux à base de fibres d’amiante paraissait une idée géniale.

Nous suivrons de près les résultats des analyses.

Jean-louis Fortin Directeur du Bureau d’enquête

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