L’île d’orléans, grenier alimentaire de Québec
Grâce à l’abondance de ses récoltes et son climat favorable, l’île d’orléans a nourri la grande région de Québec depuis le début de la colonie. On lui a même décerné le titre de « grenier de Québec ». Voici comment l’île a su, à travers les époques, garnir les tables des habitants de la capitale. 1 LES MARCHÉS DE QUÉBEC, DE TOUT TEMPS ALIMENTÉS PAR LES PRODUCTEURS DE L’ÎLE
Dès les débuts de la colonisation, l’île d’orléans a contribué à remplir les assiettes des gens de Québec grâce à ses produits frais. L’historien Michel Lambert a écrit Histoire de la cuisine familiale du Québec, en cinq tomes, et a coécrit un tout nouveau livre sur l’alimentation paru récemment, L’érable et la perdrix : L’histoire culinaire du Québec. Il a retracé le lien indéfectible entre les cultivateurs de l’île et les consommateurs québécois. En 1660, les agriculteurs se sont installés à l’île d’orléans et ont alimenté la ville. Au début, majoritairement, ils fournissaient du blé pour la préparation du pain, mais au fil des ans, les cultures se sont diversifiées. Pommes, prunes, pommes de terre, courges, petits fruits, beurre, fromage et bien sûr les fraises. On appelait l’île « le grenier de Québec ». Cette fonction s’est matérialisée dans les écrits d’un prêtre fervent de l’île, rappelle l’historien et professeur au Département de géographie de l’université Laval Étienne Berthold. « Le sol de l’île est généralement très fertile », écrit le curé Louis-édouard Bois en 1895. « Aussi a-t-on longtemps appelé cette dernière le grenier de Québec. […] Les insulaires fournissent aux marchés de Québec tous les produits ordinaires du verger, du jardin et de la ferme. »
LES AGRICULTEURS APPELÉS
2 « SORCIERS » TELLEMENT LEURS RÉCOLTES SONT FRUCTUEUSES
L’île d’orléans s’est vu attribuer des noms enchanteurs comme l’émeraude du Saint-laurent ou le Jardin d’éden. C’est en raison du pouvoir d’attraction qu’elle a sur les amoureux des paysages, de la nature et de la villégiature, mais aussi en raison de la fertilité de ses terres. Les agriculteurs orléanais sont même appelés « sorciers », au début des années 1900, explique Florence Gagnon-brouillet, qui a consacré son mémoire de maîtrise en histoire à ce coin de pays. « Leur manière de cultiver la terre est quasiment de la magie tellement ils arrivent à produire. […] Ce n’est pas pour rien qu’on l’a appelée le grenier de Québec. Le climat et les terres très fertiles permettent une production très importante. » Le climat insulaire rend les écarts de température entre le jour et la nuit moins grands. Les récoltes ont ainsi moins de risque de geler tôt au printemps, explique-t-elle. Dès l’époque de la Nouvelle-france, les producteurs allaient vendre leurs produits à Québec par bateau. La construction du pont, en 1935, et les avancées technologiques comme les entrepôts et les camions réfrigérés ont changé la donne et permis une circulation plus intensive et efficace des denrées, relate Mme Gagnon-brouillet.
3 LES PRODUCTEURS TOUJOURS À L’AVANT-GARDE
Même si leurs produits ont toujours été très prisés, les agriculteurs de l’île d’orléans ne sont pas du genre à « se reposer sur leurs lauriers », explique la chercheuse Florence Gagnon-brouillet. Ils ont toujours été à l’avant-garde des technologies et techniques qui pouvaient faire en sorte d’améliorer leurs cultures. Ils se sont toujours adaptés au changement, a-t-elle constaté dans ses recherches et dans les entrevues qu’elle a réalisées avec des agriculteurs. Ils sont d’ailleurs les premiers au Québec à avoir bâti un entrepôt frigorifique pour la fraise. Ils avaient aussi mis en place un laboratoire d’entomologie où on effectuait des études pour protéger les plants. Ils sont continuellement en recherche pour améliorer les productions et répondre aux besoins des consommateurs. Ainsi, certaines variétés de fraises ont été délaissées, car elles plaisaient moins aux acheteurs, à cause de leur couleur plus fade ou leur conservation difficile. « À chaque fois qu’il y avait de nouvelles initiatives, les producteurs de l’île sont toujours dans les premiers à massivement s’impliquer dans ces avancements. »
4 LA FRAISE DE L’ÎLE, PRODUIT CHÉRI DES QUÉBÉCOIS DEPUIS DES LUNES
Dans l’histoire de Québec, de tout temps, la fraise a été annonciatrice de l’été. Ces petits fruits en provenance de l’île d’orléans étaient les premiers à arriver au marché, régalant les clients qui goûtaient ainsi le premier délice frais de la belle saison. « C’était la folie furieuse au marché au printemps parce que ça faisait des mois qu’on n’avait pas eu de produits frais. Ça annonce l’été », commente Florence Gagnon-brouillet. C’est au début des années 1900 que plusieurs producteurs de l’île sont passés d’un mode de polyculture à une monoculture, afin de s’adapter aux changements dans les habitudes de consommation. « La fraise est devenue un produit choisi par les agriculteurs en monoculture parce qu’elle avait des avantages financiers importants et que le terrain se prête bien à cette culture », souligne la chercheuse. La fraise de l’île s’est même retrouvée dans un conte pour enfants qui avait été publié dans un journal en 1954 et qui était inspiré de Hansel et
Gretel. Pas étonnant que parmi les surnoms donnés à l’île figure « le jardin de fraises ».