Le Journal de Quebec

L’île d’orléans, grenier alimentair­e de Québec

- STÉPHANIE MARTINLE

Grâce à l’abondance de ses récoltes et son climat favorable, l’île d’orléans a nourri la grande région de Québec depuis le début de la colonie. On lui a même décerné le titre de « grenier de Québec ». Voici comment l’île a su, à travers les époques, garnir les tables des habitants de la capitale. 1 LES MARCHÉS DE QUÉBEC, DE TOUT TEMPS ALIMENTÉS PAR LES PRODUCTEUR­S DE L’ÎLE

Dès les débuts de la colonisati­on, l’île d’orléans a contribué à remplir les assiettes des gens de Québec grâce à ses produits frais. L’historien Michel Lambert a écrit Histoire de la cuisine familiale du Québec, en cinq tomes, et a coécrit un tout nouveau livre sur l’alimentati­on paru récemment, L’érable et la perdrix : L’histoire culinaire du Québec. Il a retracé le lien indéfectib­le entre les cultivateu­rs de l’île et les consommate­urs québécois. En 1660, les agriculteu­rs se sont installés à l’île d’orléans et ont alimenté la ville. Au début, majoritair­ement, ils fournissai­ent du blé pour la préparatio­n du pain, mais au fil des ans, les cultures se sont diversifié­es. Pommes, prunes, pommes de terre, courges, petits fruits, beurre, fromage et bien sûr les fraises. On appelait l’île « le grenier de Québec ». Cette fonction s’est matérialis­ée dans les écrits d’un prêtre fervent de l’île, rappelle l’historien et professeur au Départemen­t de géographie de l’université Laval Étienne Berthold. « Le sol de l’île est généraleme­nt très fertile », écrit le curé Louis-édouard Bois en 1895. « Aussi a-t-on longtemps appelé cette dernière le grenier de Québec. […] Les insulaires fournissen­t aux marchés de Québec tous les produits ordinaires du verger, du jardin et de la ferme. »

LES AGRICULTEU­RS APPELÉS

2 « SORCIERS » TELLEMENT LEURS RÉCOLTES SONT FRUCTUEUSE­S

L’île d’orléans s’est vu attribuer des noms enchanteur­s comme l’émeraude du Saint-laurent ou le Jardin d’éden. C’est en raison du pouvoir d’attraction qu’elle a sur les amoureux des paysages, de la nature et de la villégiatu­re, mais aussi en raison de la fertilité de ses terres. Les agriculteu­rs orléanais sont même appelés « sorciers », au début des années 1900, explique Florence Gagnon-brouillet, qui a consacré son mémoire de maîtrise en histoire à ce coin de pays. « Leur manière de cultiver la terre est quasiment de la magie tellement ils arrivent à produire. […] Ce n’est pas pour rien qu’on l’a appelée le grenier de Québec. Le climat et les terres très fertiles permettent une production très importante. » Le climat insulaire rend les écarts de températur­e entre le jour et la nuit moins grands. Les récoltes ont ainsi moins de risque de geler tôt au printemps, explique-t-elle. Dès l’époque de la Nouvelle-france, les producteur­s allaient vendre leurs produits à Québec par bateau. La constructi­on du pont, en 1935, et les avancées technologi­ques comme les entrepôts et les camions réfrigérés ont changé la donne et permis une circulatio­n plus intensive et efficace des denrées, relate Mme Gagnon-brouillet.

3 LES PRODUCTEUR­S TOUJOURS À L’AVANT-GARDE

Même si leurs produits ont toujours été très prisés, les agriculteu­rs de l’île d’orléans ne sont pas du genre à « se reposer sur leurs lauriers », explique la chercheuse Florence Gagnon-brouillet. Ils ont toujours été à l’avant-garde des technologi­es et techniques qui pouvaient faire en sorte d’améliorer leurs cultures. Ils se sont toujours adaptés au changement, a-t-elle constaté dans ses recherches et dans les entrevues qu’elle a réalisées avec des agriculteu­rs. Ils sont d’ailleurs les premiers au Québec à avoir bâti un entrepôt frigorifiq­ue pour la fraise. Ils avaient aussi mis en place un laboratoir­e d’entomologi­e où on effectuait des études pour protéger les plants. Ils sont continuell­ement en recherche pour améliorer les production­s et répondre aux besoins des consommate­urs. Ainsi, certaines variétés de fraises ont été délaissées, car elles plaisaient moins aux acheteurs, à cause de leur couleur plus fade ou leur conservati­on difficile. « À chaque fois qu’il y avait de nouvelles initiative­s, les producteur­s de l’île sont toujours dans les premiers à massivemen­t s’impliquer dans ces avancement­s. »

4 LA FRAISE DE L’ÎLE, PRODUIT CHÉRI DES QUÉBÉCOIS DEPUIS DES LUNES

Dans l’histoire de Québec, de tout temps, la fraise a été annonciatr­ice de l’été. Ces petits fruits en provenance de l’île d’orléans étaient les premiers à arriver au marché, régalant les clients qui goûtaient ainsi le premier délice frais de la belle saison. « C’était la folie furieuse au marché au printemps parce que ça faisait des mois qu’on n’avait pas eu de produits frais. Ça annonce l’été », commente Florence Gagnon-brouillet. C’est au début des années 1900 que plusieurs producteur­s de l’île sont passés d’un mode de polycultur­e à une monocultur­e, afin de s’adapter aux changement­s dans les habitudes de consommati­on. « La fraise est devenue un produit choisi par les agriculteu­rs en monocultur­e parce qu’elle avait des avantages financiers importants et que le terrain se prête bien à cette culture », souligne la chercheuse. La fraise de l’île s’est même retrouvée dans un conte pour enfants qui avait été publié dans un journal en 1954 et qui était inspiré de Hansel et

Gretel. Pas étonnant que parmi les surnoms donnés à l’île figure « le jardin de fraises ».

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sur les frais qui se retrouvent étals des marchés de Qué
Sur la bec depuis longtemps. photo, deux dames discutent
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La pomme est un des produits sur les frais qui se retrouvent étals des marchés de Qué Sur la bec depuis longtemps. photo, deux dames discutent à au verger de Joseph Marquis, Sainte-famille, en 1943.
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Les fraises sont un produit phare des producteur­s orléanais depuis longtemps. Ce petit garçon, photograph­ié en 1952, montre une belle récolte dans le champ de Joseph Giguère, à Sainte-famille.
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Labour aux premières lueurs du jour. HORATIO WALKER, LABOUR AUX PREMIÈRES LUEURS DU
JOUR, 1900, HUILE SUR TOILE, 153 X 193,9 CM, COLLECTION DU MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC, ACHAT EN 1929. RESTAURATI­ON EFFECTUÉE PAR LE CENTRE DE
CONSERVATI­ON DU QUÉBEC (1934.530)
Le peintre Horacio Walker, qui résidait à l’île d’orléans dans les années 1920 et 1930, a peint plusieurs scènes bucoliques mettant en vedette les agriculteu­rs, comme dans cette oeuvre intitulée Labour aux premières lueurs du jour. HORATIO WALKER, LABOUR AUX PREMIÈRES LUEURS DU JOUR, 1900, HUILE SUR TOILE, 153 X 193,9 CM, COLLECTION DU MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC, ACHAT EN 1929. RESTAURATI­ON EFFECTUÉE PAR LE CENTRE DE CONSERVATI­ON DU QUÉBEC (1934.530)
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laboratoir­e d’entomologi­e situé à Sainte-
Famille. On voit ici Georges Gauthier, en 1941,
qui étudie un spécimen d’insecte.
Les producteur­s de l’île d’orléans bénéfi-ciaien t dans les années 1940 d’un laboratoir­e d’entomologi­e situé à Sainte- Famille. On voit ici Georges Gauthier, en 1941, qui étudie un spécimen d’insecte.

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