Le Journal de Quebec

Des profession­nels qui veulent sortir de l’ombre

- Messieurs François Legault et Jean-françois Roberge,

Je suis ingénieur en milieu scolaire. Je sais, nous ne sommes pas nombreux, et assez silencieux, car nous travaillon­s dans l’ombre et nous sommes visibles seulement lorsqu’il y a des travaux, mais nous sommes toujours là. En fait, je dis toujours, mais moi et mes collègues ingénieurs et architecte­s le sommes de moins en moins…

Le milieu scolaire est un secteur d’expertise particulie­r : on doit connaître, comprendre, penser le fonctionne­ment des écoles et innover sur celui-ci afin de permettre aux professeur­s, aux profession­nels et surtout aux élèves d’avoir un milieu de vie sain et propre aux apprentiss­ages. Ceci, en plus de notre discipline technique originale qui est plus liée à l’architectu­re, la mécanique, la structure, l’électricit­é et la gestion contractue­lle de projets et d’entreprene­urs.

Donc, améliorer la qualité de l’air dans les écoles, ça passe par nous. L’ajout de nouvelles écoles, c’est nous. Le nouveau gymnase dans une école de quartier parce que le dernier date d’il y a 40 ans, c’est nous. Les classes modulaires que l’on ajoute parce que le rythme de la constructi­on ne suit pas celui de la démographi­e, c’est nous. Les chantiers de salles de toilettes, de toitures et de fenêtres qui auront lieu cet été dans les écoles, la constructi­on d’agrandisse­ments, c’est aussi nous.

INJUSTICE

Nous avons cependant un fort sentiment d’injustice en ce moment. Contractue­llement, on doit avoir un véhicule pour se déplacer d’un chantier à l’autre, mais nous sommes remboursés 21 % en deçà des recommanda­tions du gouverneme­nt fédéral, ce qui a pour résultat que l’on perd de l’argent en effectuant notre travail.

Aussi, en tant qu’ingénieur dans un ministère typiquemen­t masculin, par exemple au ministère des Transports (MTQ), ou à la Société québécoise des infrastruc­tures

(SQI), je gagnerais au maximum de l’échelle salariale au minimum

10 % de plus, ma cotisation à l’ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) serait payée, ainsi qu’une formation continue pertinente qui serait fournie par l’employeur.

Ce qui fait que les ingénieurs et architecte­s du secteur de l’éducation sont actuelleme­nt les moins bien traités de tout le système public et parapublic québécois, qui inclut le provincial, le municipal et le fédéral.

RECRUTEMEN­T DIFFICILE

Il va sans dire que pour ceux qui ont encore la flamme, la situation est tellement frustrante que cette flamme cherche à s’éteindre. Pour les autres, ils s’en vont où le marché est le plus offrant, les opportunit­és actuelles sont vraiment alléchante­s.

D’ailleurs, plus de 50 % de mes collègues ont moins de deux ans d’expérience chez nous. Nous ne réussisson­s pas assez à attirer ni à conserver notre expertise à l’interne, nous sommes toujours en train de former des nouveaux qui font leur possible, mais qui n’ont pas eu le temps de développer les bons réflexes avant de s’en aller là où le soleil brille un peu plus. Ça, ce sont les élèves qui payent inévitable­ment pour ça, et ça, ça accentue notre sentiment d’iniquité.

L’équité, c’est qu’à travail égal, un homme gagne la même chose qu’une femme, c’est aussi qu’un psychoéduc­ateur/psychoéduc­atrice gagne la même chose qu’un(e) ingénieur(e). Mais c’est aussi qu’on offre les mêmes conditions de travail à un ingénieur ou à une architecte qui contribuen­t à construire un milieu de vie adéquat pour nos élèves qu’à un autre qui s’occupe des bâtiments du ministère de l’éducation.

C’est donc par mon devoir de loyauté envers mon employeur et le public que je vous demande, Messieurs Legault et Roberge, de régler cette iniquité systémique qui subsiste encore dans le milieu de l’éducation. Les génération­s futures en sortiront gagnantes.

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Vincent Gendron, ingénieur Centre de services scolaire Marie-victorin

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