Le Journal de Quebec

Un policier d’ici enquêtera en Afrique

Le sergent Keita oeuvrera pour la Cour pénale internatio­nale pendant un an

- ERIKA AUBIN

Un policier québécois s’envole lundi pour une mission d’un an pendant laquelle il enquêtera sur des viols commis à l’endroit de civils en Centrafriq­ue dans le contexte d’une guerre sans fin entre des groupes rebelles et le gouverneme­nt.

« Dans ces guerres, les premières victimes sont les femmes et les jeunes filles. En République centrafric­aine, des politicien­s et militaires pourraient notamment avoir été [responsabl­es] de crimes de guerre, dont des violences sexuelles », explique Mamadou-lamine Keita.

Le sergent se joindra prochainem­ent à une mission de la Cour pénale internatio­nale, qui enquête et juge les personnes accusées des crimes contre l’humanité les plus graves.

La caporale Kelly-ann Plamondon, de la Gendarmeri­e royale du Canada, sera aussi déployée sur le terrain.

« Je vais assister un procureur de la Cour à monter une preuve solide afin d’éventuelle­ment traduire en justice les coupables des exactions commises », résume celui qui cumule 18 années d’expérience pour le Service de police de l’agglomérat­ion de Longueuil.

« Pour cela, je vais me déplacer sur le terrain à la rencontre des victimes et des témoins pour prendre leur déposition », ajoute-t-il.

Son bureau pour la prochaine année sera basé à La Haye, aux Pays-bas, mais il voyagera régulièrem­ent, surtout en Centrafriq­ue, pour mener des enquêtes.

DES CIVILS TUÉS ET VIOLÉS

Dans ce pays, un conflit armé perdure depuis 2013 entre le gouverneme­nt et des forces rebelles convoitant le pouvoir.

Des civils ont été tués, d’autres violés, des maisons et des commerces pillés.

Les allégation­s de crimes sexuels excèdent largement le nombre d’assassinat­s présumés, selon un résumé de l’opération.

Comme la violence conjugale et des féminicide­s se sont retrouvés au coeur de l’actualité dernièreme­nt, M. Keita estime que sa prochaine mission est le prolongeme­nt de son travail au Québec.

UN PEU DU QUÉBEC LÀ-BAS

« Je m’en vais parfaire ce que j’ai entamé en amenant avec moi mon expérience, notre façon de faire ici », décrit l’homme de 54 ans.

C’est qu’en plus d’interroger les victimes, il souhaite pouvoir les accompagne­r comme les services de police québécois ont l’habitude de faire.

« On ne peut plus leur enlever leur statut de victime, mais qu’est-ce qui reste après pour elles ? Les moyens ne seront pas les mêmes qu’au Canada, mais je veux par exemple les guider vers les ressources d’aide », confie-t-il.

Empreint d’un grand sens de la justice, Mamadou-lamine Keita a la forte impression qu’il était prédestiné pour cette affectatio­n.

Le sergent est né en Côte d’ivoire et a vécu au Mali à compter de ses 17 ans, où il a appris à parler plusieurs dialectes.

POLYGLOTTE

Il s’est ensuite lancé dans une maîtrise en droit internatio­nal qu’il a complétée en russe, à Kiev, en Ukraine.

Puis, à 27 ans, il a immigré au Canada, où il est par la suite devenu policier.

D’avoir parcouru autant de pays et rencontré des gens de toutes origines sera un grand atout, croit-il. En retour, M. Keita espère acquérir une expérience sur le terrain qui lui servira lorsqu’il enfilera à nouveau son uniforme de sergent, à Longueuil.

Le père de trois enfants affiche une certaine paix d’esprit, même s’il part vers un pays où la situation politique est instable.

« En fait, il faut en avoir des craintes. Ça fait partie de notre job, même au Québec. Les raisons pour lesquelles je fais cette mission pèsent plus fort dans la balance », conclut-il.

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PHOTOS MARTIN ALARIE ET D’ARCHIVES Le sergent de la police de Longueuil Mamadou-lamine Keita enquêtera pour la Cour pénale internatio­nale sur des crimes de guerre commis par des groupes rebelles ( en mortaise) en Centrafriq­ue.
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