La bombe météo mortelle de 1996 pourrait se reproduire
Les changements climatiques accentuent le risque de revoir une autre « tempête parfaite »
Si le déluge de 1996 a bouleversé le Québec tout entier, la possibilité de revoir un événement météo d’une telle ampleur hante toujours les esprits.
Malheureusement, les experts affirment que la vraie question est aujourd’hui de savoir quand la nature frappera à nouveau.
Pour les spécialistes du climat et de l’hydrologie consultés par Le Journal, le déluge du Saguenay aura été une prise de conscience, un wake up call, de l’importance des changements climatiques.
« Ça a été le premier d’une série d’événements qui nous ont forcés à nous questionner. Les deux crises en deux ans, le déluge de 1996 et le verglas de 1998, mon opinion était faite », indique le météorologue Gilles Brien.
« Un moment donné quand tu vois des arbres tout le tour de toi, il faut que tu acceptes que tu es dans la forêt. Les changements climatiques et les crises à répétition, c’est ça », poursuit-il.
Lorsque l’on demande à l’hydrologue Michel Leclerc si l’on pourrait revoir dans le futur une tragédie de l’ampleur du déluge du Saguenay, sa réponse donne froid dans le dos.
« Pourquoi pas ? » laisse tomber celui qui a travaillé sur les rapports suivant le coup d’eau de 1996.
« Les aléas des inondations, ce n’est plus une probabilité, c’est une certitude », croit M. Leclerc.
PLUS FRÉQUENT
« On a des événements qui augmentent en fréquence, en intensité et en durée. La question n’est pas de savoir si, c’est de savoir quand et comment », ajoute son homologue Taha Ouarda, expert en hydrométéorologie statistique à l’institut national de la recherche scientifique (INRS).
Ce dernier explique que, ce qui a provoqué le déluge, c’est l’équivalent d’une tempête tropicale qui est remontée vers le nord et qui a fait du surplace au-dessus du Saguenay. Rien qui ne pourrait pas se reproduire.
« Les gens qui analysent les tempêtes tropicales affirment qu’il y a plus de variabilité, que la fréquence augmente et que, comme on a plus de chaleur et d’humidité ici, oui, il y en aura », analyse l’expert, ajoutant que le danger est l’imprévisibilité d’une telle tempête.
« Ça peut arriver n’importe où et n’importe quand », soutient M. Ouarda.
ÊTRE PRÊTS
Et l’actualité donne raison aux experts. Depuis 1996, la fréquence de ces événements a augmenté.
Juste dans les 10 dernières années, les inondations majeures ont été nombreuses, notamment en Outaouais, à Sainte-marthe-sur-le-lac, sur le Richelieu et en Beauce.
« Les changements climatiques, c’est pas juste un réchauffement à long terme, c’est des événements graves à court terme », rappelle Michel Leclerc.
Ne reste donc qu’à être prêts.
« On a intérêt à l’être », laisse tomber Taha Ouarda, rappelant que beaucoup reste à accomplir, surtout dans un contexte où les gens oublient rapidement.
« Quand un événement arrive, la population devient très sensible aux risques, mais ça tombe de moitié en six mois, et après deux ans, plus personne n’en parle », déplore M. Leclerc, qui appelle à briser « ce cercle vicieux ».