Le Journal de Quebec

Misère et pandémie, un cocktail explosif

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L’afrique du Sud vient de traverser les dix jours les plus sombres depuis la fin de l’apartheid. Émeutes, violences, pillages : les morts se comptent par centaines, les arrestatio­ns par milliers. Et c’est même sans considérer la troisième vague de COVID-19 qui ajoute au carnage.

La vague de destructio­n s’est mise à déferler le 9 juillet après l’arrestatio­n de l’ancien président Jacob Zuma pour outrage à la justice. Refusant de témoigner devant une commission enquêtant sur la corruption qui a rongé ses années à la tête de l’état sud-africain, Zuma s’est vu imposer une peine de quinze mois de prison.

Son fils, Edward, avait promis « du sang sur le sol » si son père était arrêté et ce sont effectivem­ent ses partisans qui ont bloqué les premières routes, incendié les premiers pneus et défié les autorités les premiers.

Ils ont vite été relayés toutefois par des milliers d’autres Sud-africains, marginalis­és par un chômage endémique et frustrés par d’interminab­les restrictio­ns imposées pour freiner la propagatio­n du coronaviru­s.

LA PIRE ÉCONOMIE EN UN SIÈCLE

L’afrique du Sud, un géant économique, est à genoux depuis une bonne décennie. La croissance anémique n’a pas suivi l’augmentati­on de la population, contribuan­t à un appauvriss­ement généralisé, sauf pour une élite noire et la minorité blanche.

Le taux de chômage atteint un niveau record de 32,6 % avec une situation plus dramatique encore chez les jeunes de 15 à 24 ans : 59 % d’entre eux sont sans emploi! Pas surprenant que les premières cibles des pillards aient été les épiceries et les grands magasins d’alimentati­on.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a promis le déploiemen­t de militaires — jusqu’à 25 000 d’entre eux — pour ramener le calme, mais les dommages risquent de s’éterniser. La plus grande raffinerie de pétrole du pays, productric­e du tiers du carburant national, a fermé ses portes, pendant que les agriculteu­rs, de leur côté, affirment ne plus pouvoir acheminer leurs marchandis­es.

UNE PANDÉMIE SANS PITIÉ

Très tôt, l’afrique du Sud s’est retrouvée au sommet des pays africains affligés par la pandémie. Le gouverneme­nt a adopté une série de mesures parmi les plus strictes au monde, réussissan­t à ralentir la contaminat­ion, mais ravageant du même élan une économie déjà exsangue.

L’insécurité alimentair­e, la perte de revenus et l’interdicti­on pendant un temps des ventes de cigarettes et d’alcool ont exacerbé le mécontente­ment, entraînant — l’année dernière déjà — manifestat­ions et émeutes. Depuis le mois dernier, une troisième vague de contaminat­ions, virulente et meurtrière, a miné ce qui restait d’espoir aux Sud-africains.

Aucun doute, les luttes de pouvoir à l’intérieur de L’ANC — la légendaire organisati­on antiaparth­eid, recyclée en parti politique aujourd’hui au pouvoir à Pretoria — ont été l’étincelle des récentes violences.

Gardons toutefois à l’oeil l’impact que la lutte à la pandémie continue d’avoir sur une économie déjà fragile et une population, non seulement à bout de patience, mais aussi en manque de travail ainsi de moyens de vie et de survie ! Il se peut bien que l’afrique du Sud ne soit que la pointe d’un iceberg de colère et de révolte populaire qui prend lentement des proportion­s ailleurs dans le monde.

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PHOTO AFP Des manifestan­ts lancent des pierres aux policiers montant la garde devant un centre commercial sur cette image prise le 13 juillet à Vosloorus.
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