Le Journal de Quebec

Comment parvenir à être enfin heureuse ?

- LOUISE DESCHÂTELE­T T louise.deschatele­ts@quebecorme­dia. co

Je suis rendue à plus de 50 ans et je suis en mesure de vous affirmer, Louise, que je peux compter sur les doigts d’une seule main les jours de ma vie où je me suis sentie vraiment heureuse. J’ai bien eu des petits bonheurs ici et là, mais rien d’assez important pour me remonter le moral.

Ma vie fut une longue suite de déceptions. D’abord, je fus abandonnée par ma mère à ma naissance. Après deux ans dans une crèche, je fus adoptée par une famille où il y avait déjà deux enfants, des garçons, et où j’ai eu du mal à faire ma place, même si mes parents adoptifs ont tout fait pour bien m’accueillir et bien me traiter.

Je me suis toujours sentie moins gâtée par la vie que mes deux frères, qui étaient doués intellectu­ellement alors que je l’étais moins. Bien que nos parents m’aient offert comme à eux de poursuivre des études universita­ires, je me suis contentée de compléter mon cours d’infirmière.

Je ne peux pas dire que je l’ai regretté puisque j’excelle dans ce travail, mais je me suis toujours sentie inférieure à mes frères qui sont devenus, pour l’un médecin et pour l’autre, ingénieur. J’ai également réussi à faire échouer mes deux mariages. Vous avouerez que tout cela n’est pas très réjouissan­t jusqu’à maintenant.

Rétrospect­ivement, je ne peux pas dire que je n’ai eu aucune chance, mais on dirait que je n’ai jamais su quoi faire avec quand elle passait. Prenez, par exemple, mes deux mariages avec les pères de mes deux garçons. Les deux semblent mener aujourd’hui des vies enviables avec des femmes qui ont bien accepté mes enfants. Comment se fait-il qu’avec moi ça n’ait pas fonctionné ?

Mes fils sont généreux à mon endroit, mais on dirait qu’ils me jugent inapte au bonheur et ne perdent pas une occasion de me le faire savoir. Alors je les vois peu, car je crains toujours de faire quelque chose qui va leur déplaire.

En fait, je ne me trouve aucune valeur, si ce n’est celle que tout le monde m’accorde dans mon travail. Autrement dit, ma vie est un vide sidéral. J’ai peu d’amies et celles que je fréquente passent leur temps à me dire que je me plains le ventre plein. Selon vous, qu’est-ce qui me bloque dans mon élan vers un mieux-être ?

V.B.

Je vais tenter une explicatio­n. Je pense que vous avez toutes les capacités pour réussir, mais que vous devez avoir laissé trop de place à votre petite voix intérieure qui a la propension de vous disqualifi­er en partant et que vous semblez écouter religieuse­ment. Comme si vous aviez intégré que l’enfant abandonnée au départ de sa vie ne méritait pas mieux que la place qui reste partout où elle passe.

Il semble que vos parents adoptifs vous aient aimé et donné les mêmes chances qu’à vos frères et que vous ayez sciemment choisi de devenir infirmière pour répondre à vos envies. Alors qu’y a-t-il de mal à ne pas avoir embrassé une profession si votre métier, un des plus honorables qui soit en passant, remplit votre vie ? Pourquoi un tel mépris envers ce que vous avez décidé vous-même de faire ? Est-ce ce même mépris envers vous-même qui vous fait prendre sur vos épaules l’échec de vos unions, alors que ces jeux-là se jouent à deux avec des responsabi­lités partagées ?

Comme votre regard sur vousmême me semble biaisé depuis fort longtemps, que diriez-vous de consulter en psychothér­apie pour amorcer une nouvelle étape de votre vie, ancrée sur de meilleures bases? Certaineme­nt des bases plus réalistes que celles sur lesquelles vous vous êtes accroché les pieds jusqu’à maintenant.

Quand vous aurez intégré l’abandon vécu, vous serez capable de voir la suite de votre vie sous un meilleur éclairage, et cela rendra certaineme­nt votre marche vers le bonheur plus aisée. Bonne chance !

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