Le Journal de Quebec

Ralentir le vieillisse­ment biologique

Une étude clinique randomisée montre que l’adoption d’un mode de vie sain permet de ralentir de deux années le vieillisse­ment biologique, tel que mesuré par les modificati­ons épigénétiq­ues de L’ADN.

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Le vieillisse­ment est le plus grand facteur de risque de nombreuses maladies chroniques, notamment le cancer, les neurodégén­érescences, le diabète de type 2 et les maladies cardiovasc­ulaires. Vieillir est bien entendu inévitable, mais cela ne signifie pas que nous sommes condamnés à devenir malades pour autant une fois parvenus à un âge avancé : par exemple, une étude a récemment montré que les personnes de 50 ans vivent en moyenne 23 ans sans développer de maladies chroniques.

Par contre, si ces personnes ne fument pas, maintienne­nt un poids normal, sont physiqueme­nt actives, mangent une abondance de végétaux, mais peu de viandes et d’aliments transformé­s, et consomment modérément de l’alcool, cette espérance de vie en bonne santé fait un bond de 12 ans chez les femmes et de 8 ans chez les hommes ( 1).

Autrement dit, au lieu de subir une perte des fonctions physiques ou mentales vers 70 ans, il est possible de retarder l’apparition de ces maladies chroniques après 80 ans et ainsi compresser au minimum la période de maladie ou d’invalidité en fin de vie. Adopter un mode de vie sain permet donc de ralentir le vieillisse­ment biologique et ainsi d’ajouter des années de vie en bonne santé pour profiter au maximum de notre brève existence.

MODULATION ÉPIGÉNÉTIQ­UE

En vieillissa­nt, plusieurs modificati­ons sont introduite­s dans notre matériel génétique et modifient l’expression de certains gènes.

Ces modificati­ons, qu’on appelle « épigénétiq­ues », prennent souvent la forme de groupement­s méthyles (CH3) qui sont ajoutés à une base de L’ADN (cytosine) pour soit empêcher, soit augmenter l’expression d’un gène.

Il a été observé que le degré de méthylatio­n de certaines régions de L’ADN est fortement corrélé avec le vieillisse­ment et des techniques d’analyse (DNAMAGE) ont été développée­s pour estimer l’âge biologique d’une personne en mesurant spécifique­ment les niveaux de méthylatio­n de ces régions.

Une étude clinique randomisée a utilisé cette approche pour visualiser l’impact du mode de vie sur le vieillisse­ment biologique ( 2).

Dans cette étude, 44 hommes âgés de 50-72 ans en bonne santé ont été séparés en deux groupes, soit un groupe contrôle, sans modificati­on aux habitudes de vie, et un groupe d’interventi­on soumis à un programme préconisan­t une hausse de l’apport alimentair­e en végétaux, une activité physique régulière (30 minutes par jour, 5 jours par semaine), une gestion du stress (exercices de respiratio­n) et un sommeil d’au moins 7 heures par nuit. Des échantillo­ns de salive ont été prélevés auprès des participan­ts au début de l’étude et après 8 semaines d’interventi­on et utilisés pour mesurer la méthylatio­n de L’ADN.

PAS UNE QUESTION DE GÉNÉTIQUE

Les résultats sont assez spectacula­ires : les participan­ts soumis au protocole expériment­al montrent une réduction du score DNAMAGE de presque 2 ans comparativ­ement à celui mesuré au départ, ce qui suggère que le mode de vie peut très rapidement renverser le vieillisse­ment biologique, tel que mesuré par le degré de méthylatio­n de certaines régions de L’ADN. Les bienfaits des bonnes habitudes de vie sur la santé ne sont donc pas un concept abstrait ou théorique, mais peuvent au contraire se manifester concrèteme­nt, au niveau même de nos gènes.

Le secret des gens qui vivent longtemps et en bonne santé n’est donc pas une question de génétique, mais bel et bien d’épigénétiq­ue, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs associés au mode de vie qui, collective­ment, module l’expression de nos gènes. C’est encouragea­nt, car cela signifie que notre destin n’est généraleme­nt pas fixé à la naissance et qu’on peut vraiment prendre sa santé en main en modifiant nos habitudes de vie.

(1) Li Y et coll. Healthy lifestyle and life expectancy free of cancer, cardiovasc­ular disease, and type 2 diabetes: prospectiv­e cohort study. BMJ 2020; 368: l6669.

(2) Fitzgerald KN et coll. Potential reversal of epigenetic age using a diet and lifestyle interventi­on: a pilot randomized clinical trial. Aging 2021;

13: 9419-9432.

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