Le Journal de Quebec

Kafka en 2021

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Au cours des dernières années, on a beaucoup cité le roman culte 1984 pour dépeindre notre époque.

Il est vrai que le classique de George Orwell (publié en 1949) semble avoir été écrit hier, tellement il est pertinent et actuel.

La transforma­tion du langage, la rectitude politique, les séances de rééducatio­n – on dirait qu’orwell avait tout prévu…

LE PROCÈS, 96 ANS PLUS TARD

Mais il y a un autre chefd’oeuvre de la littératur­e que tout le monde devrait lire pour comprendre l’époque ahurissant­e dans laquelle nous vivons…

Le procès, de Franz Kafka, écrit en 1925.

L’histoire surréalist­e d’un homme qui, un beau matin, est arrêté et traîné devant les tribunaux…

Le hic est que cet honnête citoyen, qui n’a rien à se reprocher, ne sait jamais de quel crime on l’accuse.

Tout ce qu’il sait, c’est qu’il est coupable.

De quoi ? Mystère. Probableme­nt de penser.

Un auteur français, Thomas Clavel, a eu l’idée brillante d’écrire un remake du Procès.

Son roman, intitulé Un traître mot, raconte la descente aux enfers d’un professeur qui a commis un crime horrible : donner une mauvaise note à une étudiante « racisée » qui a remis un travail bâclé.

« Vous n’éprouvez aucun remords d’avoir commis ce crime odieux ? lui demande le juge, scandalisé.

– Mais la couleur de la peau n’a jamais été et ne sera jamais un critère de notation pour moi, répond le professeur. L’origine et l’appartenan­ce ethnique de mes étudiants ne m’intéressen­t absolument pas ! »

APPLICATIO­N DU VIVRE-ENSEMBLE

Malheureus­ement pour le professeur, sa déclaratio­n (qui se situait dans la ligne de pensée de Martin Luther King et des militants antiracist­es du XXE siècle) le coulera.

En effet, selon une nouvelle loi votée dans le pays du héros (la loi AVE, pour « Applicatio­n du vivre-ensemble »), les professeur­s DOIVENT prendre en considérat­ion la race de leurs étudiants lorsque vient le temps de les noter !

C’est le contraire qui est raciste !

Une parodie du Procès de Kafka pour décrire notre époque...

Car ne PAS donner une bonne note à un étudiant « racisé », c’est nier la « discrimina­tion millénaire » que ses ancêtres ont subie, et qui mérite réparation par l’attributio­n d’une excellente note, méritée ou pas !

Parce qu’il a commis ce crime de lèse-majesté, le professeur perdra son poste à l’université et sera condamné à deux ans de prison… qu’il passera aux côtés d’autres intellectu­els « blancs privilégié­s », coupables eux aussi de crimes contre la bienpensan­ce.

Comme prononcer un mot tabou en classe.

Ou écrire une blague niaiseuse sur Facebook un soir de brosse.

Comme toutes les satires sociales, le roman de Thomas Clavel est très drôle… mais aussi glaçant.

Car il dépeint une réalité qui pourrait être la nôtre…

UNE FABLE SUBVERSIVE

Incidemmen­t, savez-vous où j’ai acheté ce livre jouissif ?

À la Nouvelle Librairie, à Paris, la petite librairie dont je vous parlais l’autre jour, qui a été vandalisée à quelques reprises par des militants d’extrême gauche parce que son propriétai­re ose vendre des livres qui vont à contre-courant de la rectitude politique ambiante…

Comme quoi la fiction n’est jamais très loin de la réalité !

Une librairie québécoise aura-t-elle le courage de mettre ce petit livre subversif sur ses rayons ?

Je l’espère.

Sinon, il y a… Amazon.

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RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com
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