Le Journal de Quebec

Éviter d’autres « Maison Pollack »

- KARINE GAGNON Chroniqueu­se politique karine.gagnon @quebecorme­dia.com

Pendant des années, faute de pouvoirs suffisants accordés à la Ville, les gens de Québec ont subi l’état de décrépitud­e de la Maison Pollack, à l’entrée de Grande Allée, à quelques pas du coeur historique de la ville.

Ça brise le coeur de passer devant cette maison centenaire, oeuvre de l’architecte réputé René-pamphile Lemay. Considérée comme une propriété d’exception grâce à certains détails de sa brique et surtout à sa colonnade monumental­e, elle constitue l’un des rares exemples de l’influence de l’architectu­re néobaroque dans l’architectu­re domestique du Québec, précise-t-on sur le site internet de la Ville.

Le propriétai­re, un homme d’affaires de Montréal, n’a pas obtenu le changement de zonage souhaité et la maison a été laissée dans un état de décrépitud­e inacceptab­le et gênant. La Ville a tenté à de multiples reprises de le contraindr­e à agir, en vain.

La saga s’est heureuseme­nt terminée cette année. La maison a été acquise par la Ville de Québec, après un processus d’expropriat­ion de quatre ans. Elle en fera sa nouvelle maison de la diversité, après des investisse­ments de plus de trois millions de dollars.

FAIRE PLUS

Or cet exemple, comme bien d’autres, témoigne de l’importance de donner plus de dents aux Villes afin de mieux protéger en amont le patrimoine de leur territoire. Grâce à l’adoption de la loi 69, les Villes peuvent désormais imposer des amendes beaucoup plus importante­s à des propriétai­res négligents. Les délais d’acquisitio­n ont aussi été raccourcis.

Mais il faut faire plus, comme en témoigne le maire Régis Labeaume dans une lettre ouverte publiée hier.

Les Villes manquent de moyens pour pallier les coûts de restaurati­on élevés, et de ressources pour aider les propriétai­res, explique l’élu.

M. Labeaume réclame aussi plus de souplesse pour permettre au patrimoine de s’épanouir et de survivre à l’intérieur du site patrimonia­l du Vieux-québec.

RESPONSABI­LITÉ PARTAGÉE

Ces mesures réclamées à juste titre n’enlèvent toutefois pas les responsabi­lités des Villes, qui doivent s’assurer de tout mettre en oeuvre pour protéger le patrimoine.

Dans son récent rapport annuel, le vérificate­ur général de la Ville de Québec a relevé diverses lacunes – manque de connaissan­ces, de suivi, de leadership, et problèmes de communicat­ion entre les services – qui empêchent les mesures mises en place afin de protéger le patrimoine bâti d’être pleinement efficaces.

M. Labeaume relate de nombreux exemples de bâtiments sauvés par son administra­tion. Reste que ces lacunes ont fait en sorte que des démolition­s discutable­s ont été autorisées, opérations évidemment irréversib­les, avec toutes les conséquenc­es que cela comporte.

La Ville doit elle aussi voir à corriger ces lacunes et à mettre en oeuvre l’ensemble des mesures prévues dans sa Vision du patrimoine, adoptée avant l’élection de 2017.

Il n’est pas normal de voir des bâtiments à valeur patrimonia­le détruits parce que le propriétai­re en a trop longtemps négligé l’entretien ou l’a carrément abandonné. C’est une question de volonté politique, et de responsabi­lité partagée entre les Villes et le gouverneme­nt.

Il n’est pas normal de voir des bâtiments à valeur patrimonia­le détruits parce que le propriétai­re en a trop longtemps négligé l’entretien ou les a carrément abandonnés.

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