Dans un CHSLDà 43 ans à cause de la ceinture
L’homme a subi de multiples traumatismes crâniens lors d’un grave accident de voiture
Un homme de 43 ans, qui vit depuis 15 ans dans un CHSLD parce qu’il n’a pas bouclé sa ceinture, implore les conducteurs de ne pas faire son erreur.
« J’aimerais que des gens puissent se mettre dans ma peau une journée, qu’ils soient à ma place pour bien comprendre ce que c’est de vivre comme moi, qu’ils réalisent ce que ça comporte réellement plutôt que simplement se dire en me voyant : lui, il n’est pas chanceux », lance Patrick Vaillancourt.
L’homme de 43 ans regrette de ne pas avoir bouclé sa ceinture le 15 septembre 2005 au soir. Il quittait la Rive-sud de Montréal pour se rendre chez sa copine, à L’île-des-soeurs. Il n’a pas pris la peine de s’attacher, vu qu’il n’avait « que quelques kilomètres à parcourir ».
« Ne faites pas la même erreur. Réfléchissez et attachez-vous. Vous pourriez être le suivant », insiste celui qui est maintenant cloué à un fauteuil roulant. Seul dans sa voiture, il a été éjecté par la fenêtre arrière après avoir heurté un bloc de ciment dans une zone de travaux. Il s’est retrouvé à l’hôpital entre la vie et la mort. Il n’est ressorti du centre hospitalier que 19 mois plus tard.
Incapable de marcher, de parler et de prendre soin de lui, il a atterri dans un centre d’hébergement de soins de longue durée à 29 ans.
VIVRE AVEC DES AÎNÉS
« Je partage mon quotidien avec des personnes âgées qui dépérissent depuis 15 ans. J’ai l’impression d’avoir perdu ma jeunesse », déplore celui qui souffre de multiples traumatismes crâniens.
Il a réappris à parler, mais peine encore à s’exprimer de façon fluide. Plus de 16 ans après l’accident, sa mère, Lyette Lupien, doit encore se battre pour que son fils obtienne des services en orthophonie.
« Les personnes âgées vont vers la mort. Pas Patrick. Il s’en va vers le progrès, il veut sortir, avoir une vie. C’est lourd de se battre pour ça », dénonce-t-elle.
Ce que son fils trouve difficile, c’est le fait d’être constamment dépendant des autres. Par exemple, s’il veut sortir, tout doit être prévu à l’avance.
Au moment du drame, il avait une vie bien occupée. Il travaillait comme serveur au prestigieux restaurant Le Toqué, à Montréal. Et il étudiait en commercialisation de la mode.
« Mon rêve était de me partir une ligne de vêtements de plein air », dit celui qui était amateur de randonnées pédestres, de parachute, de ski et d’escalade.
PLUSIEURS DEUILS
À la suite de cet accident, l’homme a dû faire une croix sur ses plans de carrière, sa vie amoureuse, à quelques amitiés aussi, qui se sont perdues avec les années.
« J’ai certains amis qui sont restés très fidèles. Mais la plupart vivent une vie régulière, ils ont une famille, un travail, j’ai même un ami qui est rendu juge de la Cour du Québec », expose Patrick Vaillancourt.
« C’est sûr qu’avec mes difficultés à parler, certaines personnes n’avaient pas d’intérêt à prendre le temps avec moi », ajoute-t-il. L’homme a aussi eu à faire son deuil de la pratique de la musique.
« Je pense que ce dont je m’ennuie le plus, c’est de jouer de la guitare, que ce soit classique, électrique ou de la basse », explique-t-il, arborant un tatouage de clé de sol sur l’avant-bras.
JUSTE QUELQUES SECONDES...
Rappelons que 34 % des gens décédés sur les routes l’an dernier ne portaient pas leur ceinture de sécurité. Une statistique qui le déçoit grandement.
« Je me demande souvent ce qui me serait arrivé si je m’étais attaché. Ça aurait pris quelques secondes à peine. Je me suis dit : c’est juste une fois, il ne m’arrivera rien », se désole-t-il.
Même attaché, il ne serait peut-être pas sorti indemne de l’accident pour autant. Mais il est convaincu que ses séquelles seraient bien moindres.
Il aimerait d’ailleurs faire partie de la solution, raconter son histoire au plus de gens possible, afin de les sensibiliser.
« Je veux être utile à quelque chose », insiste-t-il.