Le Journal de Quebec

Langue et médias, piliers de la cohésion sociale

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

On a tort de penser que les gens qui ne se sont pas encore fait vacciner sont tous des antivaccin­s ou des jeunes écervelés qui se croient invincible­s face à la maladie. Il y a plein de facteurs qui peuvent expliquer qu’une personne ne se soit toujours pas rendue chercher la providenti­elle piqûre.

Les jeunes ont une vie plus instable, par nature. Ils changent d’adresse plus souvent, quand ils n’ont pas un pied dans celle de leur parent et un autre près de leur institutio­n d’enseigneme­nt. Ils ont des horaires de travail souvent atypiques, plus intenses l’été dans bien des cas. N’importe quel organisate­ur politique vous dira à quel point ils sont difficiles à faire voter.

Autre point qu’on oublie souvent, à propos des jeunes, c’est qu’ils s’informent moins à travers les médias de masse.

LA BARRIÈRE DE LA LANGUE

On souligne aussi que la vaccinatio­n avance moins vite, comme la COVID progressai­t avant plus rapidement, dans certains arrondisse­ments à plus forte concentrat­ion multiethni­que de Montréal. Là encore, il y a plusieurs explicatio­ns. Traits culturels, méfiance face au vaccin, plus grande précarité d’emploi, moins de stabilité sociale et économique.

Mais il y a aussi un autre point dont on n’a pas assez parlé depuis le début de la crise, c’est qu’on parle moins français dans ces quartiers que dans l’ensemble du Québec, et c’est dans cette langue que la Santé publique communique le plus.

En fait, oui, on en a parlé. Les partisans du multicultu­ralisme ont critiqué le fait que le gouverneme­nt daigne ne pas diffuser ses messages dans chacune des dizaines de langues qu’on peut désormais retrouver au Québec.

Or, je prendrais le problème sur l’autre sens. Quand j’ai commencé à m’impliquer en politique, les plus ardents défenseurs de la langue avaient un argument qui mériterait d’être réactivé pour défendre le français. Il s’agit de dire qu’une langue commune forte est essentiell­e à la cohésion sociale.

TOUR DE BABEL

On le voit aujourd’hui avec le vaccin, comme on le verrait éventuelle­ment en cas de catastroph­e naturelle majeure ou lors d’un conflit armé. Une société qui ne dispose pas d’un espace public commun serait fort mal outillée pour y faire face. C’est la métaphore de la tour de Babel.

Ce lieu de discussion et d’informatio­n, reposant sur une langue commune forte et des médias aussi diversifié­s que possible, on l’a encore, au Québec. La très forte mobilisati­on de la population pendant la pandémie en témoigne.

Le fait qu’on laisse encore des gens derrière, toutefois, ça montre qu’on n’en fait pas encore assez pour que tout le monde puisse lire et comprendre le français puis s’informer. Non pas pour qu’on pense et qu’on dise tous la même affaire, mais qu’on puisse au moins s’appuyer sur les mêmes faits et savoir la même chose. Du genre où, comment et pourquoi il faut se faire vacciner.

UNE DÉMOCRATIE

Quand on parle de lutter contre l’exclusion sociale, la droite parle souvent d’accès à l’emploi et la gauche parle de lutter contre la pauvreté. Elles ont toutes les deux raison.

Cela étant, il faut quand même dire et redire que pour avoir une société agile et juste à laquelle tout le monde peut participer, la langue et l’informatio­n sont des piliers essentiels.

C’est ce qu’on appelle une démocratie, en fait.

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piliers essentiels.
Pour avoir une société agile et juste, la langue et l’informatio­n sont des piliers essentiels.
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