Langue et médias, piliers de la cohésion sociale
On a tort de penser que les gens qui ne se sont pas encore fait vacciner sont tous des antivaccins ou des jeunes écervelés qui se croient invincibles face à la maladie. Il y a plein de facteurs qui peuvent expliquer qu’une personne ne se soit toujours pas rendue chercher la providentielle piqûre.
Les jeunes ont une vie plus instable, par nature. Ils changent d’adresse plus souvent, quand ils n’ont pas un pied dans celle de leur parent et un autre près de leur institution d’enseignement. Ils ont des horaires de travail souvent atypiques, plus intenses l’été dans bien des cas. N’importe quel organisateur politique vous dira à quel point ils sont difficiles à faire voter.
Autre point qu’on oublie souvent, à propos des jeunes, c’est qu’ils s’informent moins à travers les médias de masse.
LA BARRIÈRE DE LA LANGUE
On souligne aussi que la vaccination avance moins vite, comme la COVID progressait avant plus rapidement, dans certains arrondissements à plus forte concentration multiethnique de Montréal. Là encore, il y a plusieurs explications. Traits culturels, méfiance face au vaccin, plus grande précarité d’emploi, moins de stabilité sociale et économique.
Mais il y a aussi un autre point dont on n’a pas assez parlé depuis le début de la crise, c’est qu’on parle moins français dans ces quartiers que dans l’ensemble du Québec, et c’est dans cette langue que la Santé publique communique le plus.
En fait, oui, on en a parlé. Les partisans du multiculturalisme ont critiqué le fait que le gouvernement daigne ne pas diffuser ses messages dans chacune des dizaines de langues qu’on peut désormais retrouver au Québec.
Or, je prendrais le problème sur l’autre sens. Quand j’ai commencé à m’impliquer en politique, les plus ardents défenseurs de la langue avaient un argument qui mériterait d’être réactivé pour défendre le français. Il s’agit de dire qu’une langue commune forte est essentielle à la cohésion sociale.
TOUR DE BABEL
On le voit aujourd’hui avec le vaccin, comme on le verrait éventuellement en cas de catastrophe naturelle majeure ou lors d’un conflit armé. Une société qui ne dispose pas d’un espace public commun serait fort mal outillée pour y faire face. C’est la métaphore de la tour de Babel.
Ce lieu de discussion et d’information, reposant sur une langue commune forte et des médias aussi diversifiés que possible, on l’a encore, au Québec. La très forte mobilisation de la population pendant la pandémie en témoigne.
Le fait qu’on laisse encore des gens derrière, toutefois, ça montre qu’on n’en fait pas encore assez pour que tout le monde puisse lire et comprendre le français puis s’informer. Non pas pour qu’on pense et qu’on dise tous la même affaire, mais qu’on puisse au moins s’appuyer sur les mêmes faits et savoir la même chose. Du genre où, comment et pourquoi il faut se faire vacciner.
UNE DÉMOCRATIE
Quand on parle de lutter contre l’exclusion sociale, la droite parle souvent d’accès à l’emploi et la gauche parle de lutter contre la pauvreté. Elles ont toutes les deux raison.
Cela étant, il faut quand même dire et redire que pour avoir une société agile et juste à laquelle tout le monde peut participer, la langue et l’information sont des piliers essentiels.
C’est ce qu’on appelle une démocratie, en fait.