LOTO-COVID : un gratteux avec ça ?
Dans le but d’inciter les jeunes adultes à aller se faire vacciner contre la COVID-19, le gouvernement du Québec y est allé d’un élan d’originalité sans précédent en lançant une loterie où les participants pourront gagner des montants d’argent ou des bourses d’études.
Une fois parti, pourquoi ne pas offrir aussi des gratteux à nos valeureux volontaires !
LE MOT LOTERIE FAIT VIEUX JEU
Pas besoin d’être devin pour prévoir que les effets escomptés de cette loterie ne seront pas au rendez-vous. À lui seul, le mot loterie fait vieux jeu, sent la poussière et fait remonter en moi ces souvenirs de personnes âgées combien de fois vues au dépanneur du coin en train de renouveler leurs nombreux billets de loterie qu’elles prennent la peine ensuite de bien ranger dans leurs étuis en plastique.
Proposer une loterie à ces jeunes adultes pour les inciter à se faire vacciner, c’est comme tenter d’attirer des lions dans une cage en leur présentant, attachées au bout d’une perche, des bananes trop mûres. « Boring !» pensera tout bas le carnivore, et « OK boomer ! » répondront les jeunes ados devant l’offre affriolante du gouvernement.
Comble de l’incongruité, il sera demandé à ces jeunes d’aller s’enregistrer sur le site de Clic Santé pour participer à la loterie une fois qu’ils auront reçu leurs deux doses, eux qui n’ont pas encore trouvé le temps d’y aller une première fois pour prendre un rendez-vous afin de se faire vacciner…
Offrez-leur des billets de spectacle, des téléphones intelligents, des consoles de jeux vidéo, des casques d’écoute, des abonnements à des sites de musique en ligne et vous les verrez faire la queue dans un centre de vaccination pour avoir la chance de mettre la main sur l’un de ces prix prestigieux.
Alors qu’il voulait montrer que l’église catholique était elle aussi en mesure de se renouveler, le cardinal Jean-claude Turcotte affirma un jour à un journaliste que lui aussi pouvait « être dans le vent ». En utilisant cette expression désuète, il montrait, sans s’en rendre compte, combien le travail de renouvellement de son institution religieuse allait être ardu…
Le gouvernement se comporte un peu de la même façon avec sa loterie. En brandissant ce hochet d’une autre génération, il vient confirmer à ces jeunes adultes qu’ils sont dirigés par une bande de « mononcles » déconnectés de leur réalité.
DES CITOYENS RESPONSABLES
Mais soyons un peu sérieux : le fait de devoir offrir ainsi des cadeaux à des jeunes adultes pour les inciter à faire leur simple devoir est la preuve flagrante que notre système d’éducation n’a pas su remplir une de ses missions principales qui consiste à faire d’eux des citoyens.
En fait, cette opération de marketing me fait penser à Périclès qui, face au désintérêt d’une partie grandissante de la population pour la chose politique, fit voter une loi vers 450 av. J.-C. afin de permettre à la
Cité d’athènes d’accorder un montant d’argent, soit le misthos, aux citoyens qui dorénavant prendraient la peine de contribuer à la vie démocratique. Le gouvernement du Québec, avec sa LOTO-COVID, ne vise-t-il pas le même objectif que Périclès ? En brandissant au bout d’une perche de beaux toutous en peluche, il espère qu’une frange de la population aille enfin se faire vacciner, que ces personnes se comportent, au moins dans la forme, comme des citoyens responsables soucieux du sort de la collectivité, autant de gestes qui, dans une société démocratique en santé, n’auraient surtout pas à être récompensés.