Le Journal de Quebec

Au Canada, on brûle des livres pour en faire de l’engrais

La nouvelle était stupéfiant­e, et en même temps, pas vraiment surprenant­e.

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

En 2019, au nom de la « réconcilia­tion » avec les Amérindien­s, une école ontarienne a décidé de brûler 5000 livres, parmi lesquels des Astérix et des Tintin. C’est ce qu’on appelle un autodafé. Ces livres seraient coupables de relayer une représenta­tion désobligea­nte de ces population­s. Avec ces livres brûlés, l’école, suivant les conseils d’une consultant­e antiracist­e impliquée au Parti libéral du Canada, a décidé de faire de l’engrais.

AUTODAFÉ

Résumons la situation. Au Canada, on brûle des livres parce que leur contenu déplaît.

Au nom de la réconcilia­tion, il faut réduire en cendres le passé, l’anéantir.

Soyons clairs : ces gens sont des adeptes de la terreur culturelle, de l’anéantisse­ment des oeuvres.

Ils prétendent purifier le passé en l’incendiant.

Tous ceux qui refusent de voir la pulsion totalitair­e qui commande un tel geste vivent dans un monde parallèle et fuient le réel. On en trouve beaucoup, hélas, chez les intellectu­els « progressis­tes », qui ont tout de suite relativisé ce comporteme­nt en expliquant qu’il n’était pas si grave, et qu’il fallait peut-être même le comprendre.

N’en soyons pas surpris. Tout cela, je l’ai dit, était prévisible, exagérémen­t prévisible, beaucoup trop prévisible. Car telle est la logique du wokisme. Il pousse à la destructio­n des statues. À la censure des films, des chansons et des livres. Au bannisseme­nt de la vie publique de ceux qui ne répètent pas les slogans officiels sur la diversité qui serait une richesse.

Il était inévitable qu’il finisse par fouiller dans les bibliothèq­ues pour en bannir les livres impurs, qui déplaisent aux commissair­es idéologiqu­es qui prétendent délivrer le monde de la souillure de l’homme blanc.

Convenons toutefois qu’ils firent preuve d’une certaine audace en s’en prenant à Astérix !

N’y voyons pas une exception. C’est la tendance lourde de l’époque qui se dévoile ici. Toutes les grandes oeuvres de la littératur­e finiront par y passer, pour peu qu’elles heurtent la sensibilit­é des représenta­nts autoprocla­més des « minorités ».

Cela dit, il y a de bonnes raisons d’être déçu devant la réaction honteuse de la classe politique.

Justin Trudeau a expliqué que s’il était en désaccord personnell­ement avec le fait de brûler des livres (veut-il qu’on l’en félicite ?!) il ne voulait pas se prononcer sur les processus de la réconcilia­tion – autrement dit, s’il faut brûler des livres pour se réconcilie­r, on les brûlera.

LÂCHETÉ

Erin O’toole a aussi fait le tapis en expliquant que s’il ne fallait pas brûler les livres, on pouvait toutefois les censurer.

Même Yves-françois Blanchet a senti le besoin de confesser son supposé malaise d’enfance en lisant les Schtroumpf­s et Tintin, avant finalement de condamner ce geste. Mais sa condamnati­on était à ce point tortueuse et tarabiscot­ée qu’elle en devenait pathétique. On aurait eu envie de lui dire de se faire pousser une colonne.

Aucun d’entre eux, autrement dit, n’a eu une réaction de condamnati­on virulente et définitive de cette manifestat­ion de fanatisme. Notre classe politique est lâche.

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