Le jour où l’amérique trembla de peur
Le 11 septembre 2001, j’étais à Montréal, au bureau du premier ministre. Alors conseillère spéciale de Bernard Landry, ce petit matin routinier ressemblait à tous les autres. Arrivée tôt, café, revue de presse, etc.
Avec d’autres conseillers, nous avons notre habituelle rencontre matinale. Un peu avant 9 h, une secrétaire nous annonce qu’un avion s’est englouti dans une des deux tours du World Trade Center, à New York.
Incrédules, nous allons voir ce qui se passe. Lorsqu’un autre avion percute la seconde tour, le doute n’est plus possible. C’est un attentat terroriste. Son ampleur et sa violence défient l’entendement.
Jusque dans nos tripes, on sentait déjà que le monde ne serait plus jamais le même. Dans notre petite bulle, la journée se déroulera à un train d’enfer, pris en étau au milieu d’un épais brouillard d’incertitude.
Rédaction et envoi de lettres de solidarité au gouverneur et au maire de New York. Discussions avec le chef de cabinet. Le premier ministre revenant d’urgence de sa marche rapide après que notre collègue responsable des dossiers internationaux eut alerté son garde du corps des événements.
LES TERRORISTES AVAIENT RÉUSSI
Appels pour s’enquérir de nos compatriotes occupés à préparer l’événement Québec-new York – une grande exposition sur la culture québécoise censée ouvrir le 13 septembre tout à côté du World Trade Center. Ouf. Tout le monde est sauf.
Vint le soir. Retour à la maison. Devant les images en boucle d’un attentat aux airs de fin du monde, je pleure toutes les larmes de mon corps. Les terroristes islamistes avaient réussi – l’amérique tremblait de peur.
Cette peur, elle nous habitera pendant des années. On connaît la suite.
Occupation de l’afghanistan. Invasion de l’irak. Multiplication des attaques terroristes sur la planète. Vidéos barbares de décapitations sur le web.
La haine monte contre l’amérique. En réaction, l’extrême droite refait surface. L’obsession mondiale de la sécurité s’installe. L’antisémitisme renaît de ses cendres jamais tout à fait éteintes. Et des morts. Il en pleuvra longtemps.
Insidieusement, partout en Occident, la peur s’installera aussi face aux Arabes et aux musulmans. Pour la plupart, pourtant, pacifiques. La peur deviendra méfiance. Préjugés. Éloignement.
LE CHEMIN DU PACIFISME
Le Québec, comme ailleurs, n’y échappera pas. Ici, la peur s’exprimera en partie à travers une certaine forme de laïcité érigée au rang de nouveau socle du nationalisme québécois postréférendaire. Le virage sera majeur.
L’ADQ en fera ses choux gras avec la « crise » des accommodements raisonnables. Avec sa charte des valeurs, le Parti québécois en fera son substitut à une option souverainiste oubliée.
Des souverainistes notoires s’inquiéteront du risque réel de marginalisation sociale de la minorité de femmes québécoises portant le hijab, mais rien n’y fera. La CAQ en adoptera finalement une version moins radicale.
Il est vrai qu’il existe ici un courant laïciste datant de bien avant le 11 septembre 2001. La volonté plus récente d’interdire le port de signes religieux dans certains lieux n’en est pas moins indissociable de la « question » du hijab musulman.
Au Québec, ce virage se fera néanmoins de manière pacifique. Hormis pour l’horrible tuerie à la grande mosquée de Québec en 2017, le Québec demeure une terre d’accueil ouverte à l’altérité.
Vingt ans après le choc mondial des attentats du 11 septembre, n’est-ce pas là le chemin qu’il nous faudra préserver encore plus activement ?