Le Journal de Quebec

L’affaire syrienne revient hanter les Desmarais

Revers judiciaire pour une firme liée au richissime clan

- JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER

Un géant du ciment relié à la famille Desmarais qui est soupçonné de financemen­t du terrorisme en Syrie a échoué à faire annuler de possibles accusation­s de crimes contre l’humanité.

La Cour de cassation, le plus haut tribunal français, a annoncé hier avoir invalidé une décision de 2019 de la Cour d’appel de Paris qui écartait la possibilit­é de crimes contre l’humanité pour le cimentier français Lafarge.

Ce cimentier, dont le Québécois Paul Desmarais Jr. a été administra­teur de 2008 à 2020 et dans lequel Power Corporatio­n détient des intérêts, est au coeur depuis des années d’une enquête en France pour financemen­t allégué du terrorisme.

COMPLICITÉ POSSIBLE

L’entreprise a fusionné en 2015 avec le groupe suisse Holcim.

Lafarge aurait notamment payé des groupes armés, dont l’organisati­on terroriste État islamique, pour continuer d’opérer une cimenterie en Syrie pendant la guerre civile dans les années 2010, selon des articles de presse cités hier par la Cour de cassation. Des bureaux de GBL, un holding des familles Frère et Desmarais, ont été perquisiti­onnés dans cette affaire en 2017.

Dans sa décision rendue hier, la justice française a estimé que même sans prendre une part active à des crimes contre l’humanité, une personne ou une entreprise pouvait en être complice en fermant les yeux.

Le tribunal invite donc les enquêteurs à reconsidér­er la demande de Lafarge d’écarter la possibilit­é de complicité de crimes contre l’humanité.

« Dans cette affaire, le versement en connaissan­ce de cause de plusieurs millions de dollars à une organisati­on dont l’objet est exclusivem­ent criminel suffit à caractéris­er la complicité, peu importe que l’intéressé agisse en vue de la poursuite d’une activité commercial­e », affirme le tribunal.

« La mise en examen de la société pour financemen­t de terrorisme est confirmée », souligne aussi la Cour de cassation par voie de communiqué.

En 2017, notre Bureau d’enquête avait rapporté qu’un holding des Desmarais détenait 9,4 % des actions de Lafarge, ce qui en faisait le deuxième actionnair­e en importance.

« Je vous invite à communique­r directemen­t avec Holcim [...], une société dans laquelle Power Corporatio­n a un intérêt économique indirect et minoritair­e de 0,3 % », a réagi Stéphane Lemay, un porte-parole de Power.

« La décision prise aujourd’hui par la Cour de cassation ne présume en aucun cas d’une éventuelle culpabilit­é de Lafarge SA », a indiqué Holcim à l’agence France-presse.

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La cimenterie Lafarge de Jalabiya, dans le nord de la Syrie. Elle a été inaugurée en 2010, peu avant le début de la guerre civile. Elle est au coeur d’une affaire de crimes contre l’humanité. Paul Desmarais Jr a été, de 2008 à 2020, un des administra­teurs de Lafarge.
PHOTOS D’ARCHIVES, AGENCE QMI ET AFP Paul Desmarais Jr La cimenterie Lafarge de Jalabiya, dans le nord de la Syrie. Elle a été inaugurée en 2010, peu avant le début de la guerre civile. Elle est au coeur d’une affaire de crimes contre l’humanité. Paul Desmarais Jr a été, de 2008 à 2020, un des administra­teurs de Lafarge.

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