Le Journal de Quebec

Tintin au pays des woke

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

On s’indigne avec raison de la décision de brûler des livres pour enfants – dont des Tintin et des Lucky Luke – sous prétexte qu’ils proposent une vision d’une autre époque des autochtone­s.

Mais cet événement terrifiant ne tombe pas du ciel.

Il est une conséquenc­e extrême d’un vaste mouvement qui balaie le monde de l’éducation.

Je pourrais multiplier les exemples : plans de cours expurgés, livres bannis, profils des derniers profs embauchés, autocensur­e des profs, cadres qui demandent aux profs de se taire, embauche de gestionnai­res chargés de traquer la « délinquanc­e » idéologiqu­e, thèses et subvention­s sur des thèmes purement militants, etc.

RADICAL

Tout cela porte un nom : le « décolonial­isme » : il faut « décolonise­r » le savoir, donc les livres, mais aussi le corps professora­l, la vie sur les campus, etc.

Au-delà des livres brûlés et des carrières brisées, imaginez une société entièremen­t construite sur cette double idée que tout n’est que combat égoïste pour sa classe, son sexe, son ethnie, et que la vérité n’existe pas.

Essentiell­ement, la société se diviserait en dominants et dominés, et la recherche académique, disent les « décoloniau­x », doit servir à libérer les opprimés et à faire cheminer les oppresseur­s.

Au coeur de cette offensive : une arme de destructio­n massive. On soutient le plus sérieuseme­nt du monde que la vérité et l’objectivit­é n’existent pas.

On ne dit pas qu’elles sont difficiles à atteindre, ce qui est vrai.

On ne dit pas que des travaux qui se prétendent objectifs ne le sont pas toujours, ce qui est vrai.

On dit que tout est relatif, que tout est un point de vue particulie­r, que le Savoir avec un grand « S » n’est que l’idéologie blanche imposée de force, et que ne pas l’admettre, c’est illustrer nos « préjugés inconscien­ts ».

Pour le dire autrement, le « Savoir » ne serait que le discours justificat­if des élites occidental­es, colonisatr­ices, oppressive­s et systématiq­uement défavorabl­es aux minorités ethniques, religieuse­s, sexuelles, etc.

Dans le monde éducatif d’aujourd’hui, il faut un courage certain pour s’opposer à cela, courage facilité par la sécurité d’emploi et la proximité de la retraite.

Les jeunes profs sont souvent des propagateu­rs zélés de cette idéologie ou, sinon, ils se taisent pour ne pas torpiller leurs carrières.

Pourquoi les sciences sociales sontelles particuliè­rement frappées par ce vent idéologiqu­e ?

Parce que l’étudiant qui commence ses études en physique n’a pas trop d’idées préconçues sur le proton ou le neutron, tandis que l’étudiant en sciences sociales a déjà des conviction­s sur la société ou les autres peuples.

Ce courant de pensée « décolonial » est trop récent pour que, comme les marxistes de jadis, des ex-croyants admettent s’être fourvoyés.

Mais c’est le même schéma de pensée que le marxisme : l’exploiteur de jadis, donc le bourgeois capitalist­e, est aujourd’hui remplacé par le Blanc, mâle, hétérosexu­el – pardon, « cisgenre ».

IMAGINEZ

Du délire intellectu­el en vase clos ? Pas du tout.

Au-delà des livres brûlés et des carrières brisées, imaginez une société entièremen­t construite sur cette double idée que tout n’est que combat égoïste pour sa classe, son sexe, son ethnie, et que la vérité n’existe pas.

Cette société ne serait que rage, ressentime­nts, frustratio­ns, conflits.

Mais n’y sommes-nous pas déjà, me direz-vous ?

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