Le Journal de Quebec

Les conservate­urs et le Québec

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ e Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r c mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com L @mbockcote

Ce qui semblait improbable en début de campagne est devenu depuis quelques jours une possibilit­é tout à fait sérieuse : le Parti conservate­ur pourrait former le prochain gouverneme­nt.

On le voit à la manière dont les libéraux viennent de ressortir leur habituelle machine à faire peur pour le diaboliser. Erin O’toole serait le vernis civilisé d’un parti profondéme­nt régressif, peuplé de réactionna­ires bornés hostiles aux femmes et se saoulant chaque soir à grandes lampées de pétrole albertain.

DIABOLISAT­ION

Comment ne pas être fasciné par la logique du deux poids, deux mesures qui entoure ce parti ?

On trouve effectivem­ent une aile « radicale » au Parti conservate­ur. Mais on en trouve une aussi au NPD et au Parti libéral.

Pourquoi ne s’intéresse-t-on jamais sérieuseme­nt à la gauche woke au sein du NPD ?

Pourquoi ne s’intéresse-t-on pas aux communauta­ristes religieux qui sont comme des poissons dans l’eau au sein du Parti libéral ? Pourquoi ne s’intéresse-t-on pas au fanatisme anti-québécois de plusieurs députés libéraux du Québec même ?

Pourquoi ne se demande-t-on pas dans quelle mesure la gauche woke brûleuse de livres représenté­e par l’apparatchi­k libéral Suzy Kies est représenta­tive d’une tendance lourde au sein du PLC?

Cela dit, il importe maintenant de se demander ce que représente le Parti conservate­ur d’un point de vue québécois.

Erin O’toole invite les nationalis­tes québécois à le rejoindre, et à faire avec lui le beau risque d’un gouverneme­nt conservate­ur. Est-il crédible ? Tout dépend de ce que l’on entend par là. Erin O’toole entend accorder davantage de pouvoirs au Québec en matière d’immigratio­n. Ce n’est pas un détail, même si c’est insuffisan­t, car il faudrait à terme transmettr­e l’essentiel des pouvoirs en la matière pour assurer de manière minimale notre survie collective.

Il promet aussi de ne pas contester la loi 21, mais ne remettra pas en question le programme de contestati­on judiciaire qui permet et permettra de mener une guérilla judiciaire contre elle. Autrement dit, Erin O’toole tend la main au Québec, mais ne la tend qu’à moitié.

On comprend néanmoins certains nationalis­tes autonomist­es d’être tentés par les conservate­urs. Leur préférence n’est pas déshonoran­te. Car un gouverneme­nt conservate­ur serait infiniment moins toxique qu’un gouverneme­nt libéral pour le Québec. Le multicultu­ralisme canadien est déjà délirant en lui-même, mais Justin Trudeau l’a poussé jusqu’à l’extrême délire.

NATIONALIS­TES

On comprend aussi le désir d’en finir avec son règne ultra-centralisa­teur.

Il ne faut toutefois pas se faire d’illusion. Quelle que soit la couleur du gouverneme­nt fédéral, le poids du Québec est appelé à régresser dans le Canada, et même les plus grands discours sur le respect de la nation québécoise ne réussiront pas à faire oublier que notre peuple y est condamné à la marginalis­ation, puis à l’extinction démographi­que. Le Canada nous condamne structurel­lement à la minorisati­on, la folklorisa­tion, puis la disparitio­n.

Mais on y revient : à court terme, un gouverneme­nt conservate­ur minoritair­e soutenu par le Bloc redonnerai­t au gouverneme­nt Legault une dynamique favorable à l’autonomie québécoise. Ce n’est pas rien.

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Le Parti conservate­ur tend la main aux nationalis­tes québécois.
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