Philippe Léger
Je tente une hypothèse : la classe politique canadienne ne parle que très peu des changements climatiques, car elle n’a rien d’intéressant à offrir.
Le décalage apparaît profond, très profond, entre un Canada qui brûle et suffoque, et les misérables discours d’une classe politique canadienne. C’est le vide, le point zéro des solutions, qui se présente devant nous. Des petites mesures, sans plus. Rien qui pourrait transformer et réinventer l’organisation d’une société à terme. Pendant ce temps, les rapports alarmants s’empilent. Tous concluent que la débâcle est commencée et se poursuivra de plus belle. Que l’action politique doit être immédiate. Et que le Canada est un des premiers coupables du désastre.
EXPERTS
On serait aveugle de ne pas voir un autre décalage en lien avec la crise sanitaire.
Tous les élus, Justin Trudeau le premier, nous disent qu’il faut écouter, avec raison, les experts médicaux. Dommage, en contrepartie, que les experts du climat n’obtiennent pas la même considération. Ces derniers ne peuvent être plus catégoriques: toute augmentation de la production d’hydrocarbures annonce des lendemains douloureux pour nos sociétés. Or, voici à quoi le Canada, bleu ou rouge, aspire encore aujourd’hui : à la construction et à l’élargissement de pipelines, Keystone XL et Trans Mountain, pour augmenter notre production d’hydrocarbures, aux subventions annuelles de plus de 10 milliards pour maintenir artificiellement en vie les entreprises de l’industrie pétrolière, à l’autorisation de 40 nouveaux forages pétroliers en milieu marin au nord de Terre-neuve… Ça flambe et on souhaite asperger encore plus d’essence.
IMPOSTURE
À force d’inaction, on nous fait croire que la politique ne peut rien face au défi climatique. Qu’elle est impuissante. Que les forces du marché sont plus puissantes que l’état. Que la responsabilité est plutôt en chacun de nous. C’est la contorsion d’un État qui n’a jamais eu le courage d’amorcer sa transition énergétique, et qui continue à s’enfoncer, par naïveté et par irresponsabilité.
Brûler l’avenir, ça aussi, ça devrait être un scandale.