Denise Bombardier
Le premier ministre Legault, le plus populaire des politiciens au Canada, a pris le taureau par les cornes.
Celui qui était autrefois souverainiste et ministre péquiste a bien compris et accepté les deux défaites référendaires. Cet ultra pragmatiste qui avait rêvé comme tant de Québécois à l’indépendance a ravalé ses larmes, son humiliation et sa peine. Il s’est relevé les manches et a décidé de se battre désormais pour la nation québécoise à l’intérieur du Canada. N’était-ce pas la volonté de son peuple ? Sous sa gouverne, la CAQ a réussi un coup fumant en balayant le PLQ en déliquescence.
Le PLQ, longtemps la fierté du Québec, mais avec Philippe Couillard comme chef de file, a fini par se couper de la majorité francophone nationaliste. Le 1er octobre 2018, la CAQ a réussi à obtenir une majorité absolue et le gouvernement Legault est parvenu à donner à cette majorité francophone le sentiment qu’elle était protégée dans sa langue et dans son identité.
MULTICULTURALISTE
Mais le premier ministre Legault a compris rapidement que le multiculturalisme du premier ministre Trudeau, au pouvoir à Ottawa depuis octobre 2015, était un obstacle à sa propre politique. La loi sur la laïcité, que la CAQ a réussi à faire passer, a déclenché des attaques violentes contre François Legault et son gouvernement.
Puis la pandémie s’est abattue sur nous et de nouveau François Legault s’est surpassé. Depuis plus d’un an, il a caracolé dans les sondages.
Malgré des critiques internes, les Québécois se sont sentis protégés par lui et son gouvernement. La décision de Justin Trudeau de déclencher une élection a mis
François Legault en colère comme beaucoup de citoyens à travers le Canada. Les deux hommes ont peu d’atomes crochus. Trudeau est un homme d’apparence plutôt que de contenu. François Legault, malgré les apparences, possède une vision du Québec et comprend son peuple.
Son coup de théâtre d’hier matin en dit long sur sa volonté et son devoir d’agir. En appuyant les conservateurs, croit-il en son âme et conscience que le Bloc québécois entrave la possibilité pour le Québec d’obtenir des pouvoirs supplémentaires ? Surtout si Justin Trudeau le centralisateur demeure en poste, même minoritaire. Car sur nombre de dossiers sensibles, le NPD, sa succursale, l’appuiera. Au contraire, si les conservateurs remportent l’élection, le gouvernement caquiste aurait, croit François Legault, un interlocuteur et un négociateur valable.
Le Bloc québécois qui n’a été fondé que pour disparaître avec l’avènement de l’indépendance est devenu un miroir aux alouettes. Les Québécois nationalistes en lui donnant leur appui se leurrent, croit peut-être François Legault, le pragmatique.
PARI
Sans la possibilité de déclencher un référendum, perdu à l’avance, François Legault fait le pari, sans doute, que sa politique nationaliste qui inclut la laïcité pourra s’affirmer dans les limites de la constitution canadienne. Car Erin O’toole est ouvert aux revendications québécoises que Justin Trudeau considère lui comme racistes et antidémocratiques.
L’appel de François Legault du 9 septembre pourrait mettre en péril sa popularité. Est-ce qu’il joue par conviction son propre avenir politique ? En cette époque où domine le marketing politique, il se pourrait que certains politiciens comme François Legault, un honnête homme, veuillent simplement servir la nation.
Mais que pense le chef du Bloc québécois sur la pertinence de son parti, qui ne sera jamais au pouvoir dans ce Canada postnational ?