Le Journal de Quebec

Une culture qui carbure à la peur à l’université d’ottawa

- JOSEPH FACAL fascal@qeuebepcor­mhedia. com

À moins d’être un ermite vivant sans internet dans le fond d’une grotte, vous avez entendu parler de l’affaire Lieutenant-duval, à l’université d’ottawa.

Elle fit grand bruit parce qu’elle est survenue près de chez nous, mais les cas similaires ne se comptent plus dans les université­s occidental­es.

RAPPORT

Pendant un cours, la jeune enseignant­e avait expliqué, avec d’infinies précaution­s, comment des militants afro-américains avaient retourné l’insulte « nègre », proférée par des racistes, pour en faire un marqueur de fierté identitair­e.

Il a suffi d’une étudiante sur Twitter – une seule ! – pour déclencher la tempête que l’on sait.

Sans même prendre le temps de tirer l’affaire au clair, le doyen Kee avait qualifié de « totalement inacceptab­le » le simple fait de prononcer le mot, peu importe le contexte.

Le recteur Frémont condamna aussi la jeune enseignant­e au nom du « ellen’avait-qu’à-ne-pas-le-faire-si-elletrouve-maintenant-que-ça-brasse ».

Il avait même inventé de toutes pièces un droit – un pseudo-droit, évidemment, celui de ne pas être choqué –, comme si un sentiment faisait de facto naître une règle.

L’ex-juge de la Cour suprême Michel Bastarache et son groupe viennent de rendre public leur rapport sur la liberté académique à l’université d’ottawa.

Ils se penchent à peine sur l’affaire Lieutenant-duval, et on échappe difficilem­ent à l’impression que le juge Bastarache a été bien gentil envers son alma mater et son actuelle direction.

Si on sait lire entre les lignes, il est cependant évident que la direction de l’université est blâmée.

Pourquoi ? Parce que le rapport dit noir sur blanc que la liberté d’expression et les professeur­s doivent être protégés, et qu’aucun mot, aucune oeuvre, aucun thème ne devraient être interdits si leur utilisatio­n est respectueu­se et à des fins pédagogiqu­es.

Un étudiant est libre de ne pas aimer ceci ou cela, mais cela ne lui donne pas un droit de transforme­r son sentiment en ligne de conduite imposée à autrui.

Dans l’une des annexes du rapport, un professeur dit au recteur ses quatre vérités sur sa gestion de cette affaire :

« […], on peut constater dans toute cette affaire le cumul de fautes

« Si un recteur a besoin de se faire rappeler l’importance de la liberté d’expression des professeur­s, qu’est-ce qu’il fout à ce poste ? »

morales et intellectu­elles du recteur : manque de rigueur (pas de vérificati­on factuelle), manque d’équité (refus d’entendre l’autre), manque d’intégrité (affirmatio­ns fausses et que l’on sait fausses, qu’on refuse de corriger, abandon des valeurs universita­ires), manque de transparen­ce (refus de s’expliquer publiqueme­nt autrement que par des bulles papales) ».

Ayoye…

TOXIQUE

Le recteur Frémont confiait à une journalist­e de La Presse recevoir ce rapport « de façon extrêmemen­t positive ».

C’est de la foutaise si on prend la peine de lire les très nombreux, trop nombreux témoignage­s de profs faisant état du climat malsain qui prévaut sur le campus et d’une culture qui est « toxique et carbure à la peur ».

Un ami, qui n’est pas du milieu universita­ire, met le doigt sur l’essentiel.

Si un recteur d’université a besoin de se faire rappeler l’importance de la liberté d’expression des professeur­s, qu’est-ce qu’il fout à ce poste ?

Aussi simple que cela.

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Frémont
Michel Bastarache
Jacques Frémont Michel Bastarache
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