Le Journal de Quebec

Tourner le fer dans la plaie

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Pas question, comme on le fait trop souvent dans les médias, de changer de sujet et de parler d’autre chose que de la sortie déconcerta­nte et insupporta­ble du président d’air Canada, ci-nommé Michael Rousseau.

Ce descendant de Franco-canadiens anglicisés en trois génération­s nous permet de braquer les projecteur­s sur les gens d’affaires du Québec, comme on aime les appeler.

D’abord, ne soyons pas étonnés que tous les partis politiques parmi lesquels se trouvent les adversaire­s les plus acharnés des lois québécoise­s sur la langue grimpent dans les rideaux depuis 48 heures. Au point où l’on pourrait croire que le PLQ est l’allié inconditio­nnel de la CAQ en matière de défense du français au Québec.

Monsieur Rousseau n’a parlé qu’en anglais durant ces dernières 14 années au Québec. Concluons qu’il ne fréquente pas les lieux culturels, théâtre, concerts de chanteurs célèbres et toute autre activité sociocultu­relle en français.

UNILINGUIS­ME OBLIGATOIR­E

Mais surtout, peu importe le nombre de francophon­es qu’il dirige ou rencontre, tous doivent s’adresser à lui dans « sa » langue. C’est le cas des deux francophon­es, membres du CA d’air Canada, Jean-marc Huot, avocat associé du prestigieu­x bureau Stikeman Elliot, et Madeleine Paquin, présidente et chef de la direction de Logistic.

Trop de beau monde du milieu des affaires garde actuelleme­nt le silence. C’est peu dire que l’on n’apprécie guère les tempêtes linguistiq­ues comme celle déclenchée cette semaine.

Pour sa part, Michel Leblanc, le PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain, a défendu ardemment sa décision d’inviter le PDG unilingue d’air Canada à prendre la parole devant ses membres. D’ailleurs, Michael Rousseau a été très applaudi par l’auditoire en majorité francophon­e.

Le président d’air Canada avait aussi déclaré que c’était tout à l’honneur de la ville qu’il ait pu vivre dans la région de Montréal sans apprendre le français. Cette phrase trahit l’incommensu­rable insensibil­ité à l’endroit du Québec de la part d’un Franco-ontarien assimilé dont la mère et l’épouse sont, elles, francophon­es de souche.

D’ailleurs, Michael Rousseau a été très applaudi par l’auditoire en majorité francophon­e

INCOHÉRENC­E

Et voilà que pour faire amende honorable, il s’engage désormais

(mais sur quelle base, grands dieux ?) à améliorer (!) son français. Mais comment peut-on améliorer, c’est-à-dire rendre meilleure, une langue que l’on ne possède pas et pour laquelle on ne peut avoir de respect dans les circonstan­ces ?

Nous, Québécois francophon­es, sommes macro-agressés par des personnes qui en fait nient la légitimité de nos combats pour défendre la langue officielle du Québec dont ils se fichent cordialeme­nt. Le président d’air Canada n’est donc pas le seul dans son camp.

À cet égard, Justin Trudeau, en nommant une gouverneur­e générale qui ne parle pas le français dans le Canada de deux langues officielle­s, rejoint l’esprit qui anime le président d’air Canada.

À vrai dire, lorsqu’elles manquent d’arguments face aux protestati­ons québécoise­s, des personnali­tés s’engagent à « parfaire » leur français. Et on semble les croire. On se tait aussi devant le lourd silence des gens d’affaires, empressés d’en finir avec ces « niaiseries » que sont notre langue, notre culture et les valeurs qu’elles incarnent.

Money should talk. Money is the goal.

Telles sont les nouvelles devises du Québec en marche vers un enrichisse­ment en anglais.

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Justin Trudeau
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