Le Journal de Quebec

Inspirante­s Ruba Ghazal et Marwah Rizqy

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Dans le concert d’indignatio­n suscité par les déclaratio­ns du PDG d’air Canada Michael Rousseau, certaines réactions furent particuliè­rement touchantes.

Sans doute parce que, contrairem­ent à la sinistrose actuelle quant à l’avenir du français au Québec, ces mêmes réactions illustrent la réussite – au moins partielle – d’un beau modèle; la matérialis­ation d’une certaine idée du Québec, généreuse, « intercultu­relle ». Et cela permet d’espérer. Les réactions que j’évoque ont été celles de deux élues québécoise­s issues de l’immigratio­n, Ruba Ghazal, députée de QS de Mercier et Marwah Rizqy, députée libérale de Saint-laurent, jeudi.

PAS LE TEMPS ?

Leurs répliques au PDG, lequel a prétendu ne pas avoir eu le temps d’apprendre le français – « Trop occupé! » – avaient quelque chose de viscéral.

À son arrivée au Québec, a rappelé Ruba Ghazal, elle-même ne pouvait s’exprimer dans la langue de Vigneault: « [Les gens de] ma famille ne parlaient pas le français comme beaucoup, beaucoup d’immigrants. Mais ils l’ont fait, l’effort ! » Effort qu’elle décrit comme allant de soi. Quand on immigre dans un pays, on apprend sa langue, fit-elle valoir. J’ajouterais : encore faut-il que les « signaux » venant du pays soient clairs. Or, ceux qu’envoie le Dominion (pays « bilingue » offrant une fausse « liberté » de choix linguistiq­ue) les brouillent trop souvent.

LANGUE DU PAIN

Grâce aux politiques mises en place (principale­ment par le Parti québécois) dans les années 1970 et 1980, ces signaux furent assez clairs pour attirer et intégrer les Ghaza, Rizqy et cie. Le Québec y a beaucoup gagné ; a évolué grâce à cet apport.

Ruba Ghazal et QS insistent avec raison sur l’importance de la langue du travail. Cela me rappelle une formule géniale de Gérald Godin, député poète, illustre prédécesse­ur de Ghazal dans Mercier : « La Loi 101 vise fondamenta­lement à ce que le français devienne la “lingua del pane”, la langue du pain, la langue du travail. » (Entrevue à Vice Versa, 1985)

Marwah Rizqy, pour sa part, insistant sur son statut d’« enfant de la loi 101 », a souligné avec sa verve unique – profondéme­nt québécoise –, que sa mère, « immigrante, pas une cenne, malgré son agenda débordant, avec une enfant handicapée », avait pris le temps, elle, d’apprendre le français, « notre langue » ! Alors, « PDG multimilli­onnaire », « ne prenez-nous pas pour des valises », pesta-t-elle. Ajoutant que ce PDG est à la tête d’une compagnie aérienne « pas foutue de servir comme il faut les régions du Québec ».

Quand Marwah Rizqy parlait de sa mère, j’ai encore pensé à Godin, à son poème Tango de Montréal : « Sept heures et demie du matin, métro de Montréal/c’est plein d’immigrants/ça se lève de bonne heure/ce monde-là/le vieux coeur de la ville battrait-il donc encore grâce à eux ».

Amir Khadir aimait à citer Godin. Lui aussi fut député de Mercier. S’il revenait aujourd’hui, le poète serait sans doute ravi de voir que sa vision riche du Québec, même sans être un pays, a pu se matérialis­er.

Continuer à générer des Khadir, Ghazal et autres Rizqy est peut-être le plus beau doigt d’honneur que l’on peut faire à long terme aux Michael Rousseau de ce monde, mais aussi à tous ceux qui assimilent toute défense du français au Québec à la xénophobie et au racisme.

Leurs répliques au PDG, lequel a prétendu ne pas avoir eu le temps d’apprendre le français — « Trop occupé ! » — avaient quelque chose de viscéral

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Marwah Rizqy
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