Dérapages dans le 3e lien
Les adversaires politiques de la CAQ ont tout fait pour que François Legault ressente le poids du 3e lien comme un boulet attaché à ses pieds pendant la COP26. Dans leur défense, ses ministres ont commis des faux pas, mais l’opposition dérape aussi.
Pour essayer de changer le ton à l’égard du tunnel de 7 à 10 milliards $ devenu ennemi national des environ- nementalistes, François Bonnardel et Jonatan Julien ont pratiquement essayé de le faire passer pour carboneutre. En entrevue au Journal, ils ont insisté sur le fait qu’une grande majorité (65 %) des véhicules qui y circuleraient en 2035 seraient électriques, mais ils n’ont pas d’estimation de l’impact du projet sur les GES du Québec. Ils ont pratiquement nié l’effet d’étalement urbain qu’il pourrait créer. Mardi, le ministre de l’environnement, Benoit Charrette, a été pris au piège lorsqu’on lui a demandé si la future évaluation du BAPE serait déterminante pour l’avenir du projet. Bien sûr, le Bureau d’audience publique en environnement n’a pas un pouvoir décisionnel, mais en affirmant que le projet serait réalisé, peu importe les conclusions de l’instance, il a lancé la rondelle dans son propre filet.
LE BAPE PARFOIS CONTOURNÉ
Ceci étant, dans le passé, les gouvernements sont allés de l’avant tant pour le REM que pour le tramway de Québec, malgré des avis défavorables du BAPE.
Le ministre Bonnardel a aussi rappelé que les péquistes et libéraux avaient fait pire, en soustrayant carrément la cimenterie Mcinnis du processus d’examen du BAPE.
Que ferait le Parti libéral pour améliorer la fluidité de la circulation entre Québec et Lévis ? On ne le sait pas et on ne le saura pas avant la prochaine élection. Le porte-parole en Transport, André Fortin, n’a pas écarté le fait que son parti puisse être en accord avec un projet d’autoroute dans le futur.
EXAGÉRATION SOLIDAIRE
En entrevue au Journal, la solidaire Catherine Dorion a soutenu que le 3e lien aurait un effet catastrophique sur les gens de la Rive-sud. Elle a affirmé, sérieusement, que « tous les boisés qu’ils aiment, tous les espaces naturels […] Tout ça peut devenir une espèce d’océan de béton développé n’importe comment. » C’est comme si elle imaginait un François Bonnardel sur les métamphétamines qui zigzague au volant d’une bétonnière à travers les parcs de Lévis. La députée de Taschereau, qui brandissait la menace d’asphyxie des citoyens de la basse-ville, tourne ses préoccupations à l’égard de la RiveSud depuis que le gouvernement a annoncé que les véhicules ne pourront pas rejoindre le boulevard Charest en sortant du tunnel.
Par ailleurs, il faut croire que les poumons des citoyens de Sainte-foy ont moins de valeur que ceux des gens de Saint-roch, puisque personne ne s’offusque que des milliers de véhicules doivent y faire des détours inutiles pour traverser les ponts tant que la circulation ne sera pas rééquilibrée par un nouveau lien.
QS affirme sur des panneaux publicitaires que le tunnel entraînera le passage de 50 000 voitures de plus chaque jour dans le secteur de la Laurentienne. Comme si aucun de ces véhicules ne circulait déjà entre les deux rives par les ponts existants.
Au final, c’est évident que la construction d’un tunnel entre Québec et Lévis aura un impact sur l’environnement et entraînera un certain étalement urbain, le gouvernement ne devrait pas le nier.
Même les projets de transport collectif comme le prolongement du REM vers l’est de Montréal créent de l’étalement urbain.
Par contre, il doit démontrer qu’il entraînera davantage de retombées positives en équilibrant le trafic sur le territoire et en permettant enfin un transport en commun efficace, donc alléchant, qui relie les deux centresvilles.
Les partis d’opposition, eux, doivent tenir compte du fait qu’il ne s’agit pas que d’un lien routier, mais aussi d’une façon de traverser les deux rives en 10 à 15 minutes, en autobus électrique. Les 1,2 million de citoyens de la Capitale-nationale et de Chaudière-appalaches ne sont pas gagnants si les partis politiques guerroient en s’éloignant des faits.