Une question de respect
On a traité l’affaire comme une insulte. Certes. Réfléchissons un peu à la question.
Parler français en Amérique du Nord est un geste d’affirmation face à la loi du nombre. Cela témoigne d’abord du courage de notre nation. Le français fait l’identité du Québec. Et il fait même la spécificité du Canada. Ce pays est né en français.
Parler français, ce n’est pas dire « nous » plutôt que « we ». C’est tirer sa pensée d’une tradition culturelle et philosophique qui a donné, par exemple, la Déclaration des droits de l’homme en 1789. Parler anglais, ou italien ou tagalog ou créole, ces langues ont toutes la même fonction. Chacune révèle une appartenance individuelle et collective à une civilisation et nous situe dans l’histoire du monde. Le Québec est unique, car il porte fièrement la langue et la culture de nos ancêtres. Nous sommes un peuple fondateur du Canada, une nation francophone forte et fière.
LA FIERTÉ D’UNE MÉTROPOLE FRANCOPHONE
Montréal, métropole du Québec, incarne la résilience de la langue et de la culture françaises. Montréal a accueilli depuis toujours de nombreux arrivants, de tous les pays du monde. Et c’est le français qui a souvent attiré ces citoyens venus des quatre coins de la planète. Les Montréalais ont toujours été fiers de leur métropole francophone qui rayonne et qui séduit. La cohabitation entre communautés francophones et anglophones n’a certes pas toujours été facile. Notre histoire a eu ses affrontements et ses affronts. Au fil des décennies, les francophones sont devenus de plus en plus minoritaires, et presque insulaires à l’échelle continentale.
Pourtant, jamais les Québécois n’ont envisagé leur développement et leur survie à travers un repli défensif.
Nous avons toujours vu notre différence comme une fierté à partager. Avec la conscience, oui, de notre fragilité numérique. C’est pour cette raison d’ailleurs que notre modèle d’immigration repose sur l’interculturalisme plutôt que sur le multiculturalisme. La différence entre les deux se veut celle d’un tronc commun, d’une zone de rencontre. Devient Québécois qui le veut, mais qui veut aussi s’engager avec nous, et envers
nous pour l’avenir.
IL FAUT PLUS QUE DES EXCUSES
C’est tout cela que le président d’air Canada a ignoré avec sa vertigineuse arrogance. Beaucoup a déjà été dit sur le pitoyable historique d’air Canada en matière de respect de la Loi sur les langues officielles. Air Canada s’en fout depuis des décennies. Mais ce qu’on a oublié de dire, c’est que si l’entreprise s’en moque depuis tant d’années, c’est parce que les gouvernements fédéraux qui se sont succédé l’ont laissée ne rien faire. Monsieur Rousseau n’a pas commis une erreur, il s’est dramatiquement inscrit dans une tradition.
Le français n’est pas notre langue d’usage, mais notre langue officielle. Nous nous attendons à plus que des excuses. Le Conseil d’administration doit poser les gestes qui s’imposent, à la mesure de l’affront fait aux Québécois. Et monsieur Rousseau ne fait clairement pas partie de la solution.