L’AMF impose des amendes symboliques à des millionnaires
L’organisme n’a recueilli que 1,3 million $ en amendes pour retard en cinq ans
Au cours des cinq dernières années, l’autorité des marchés financiers (AMF) a sanctionné plus de 500 dirigeants et administrateurs d’entreprises pour avoir tardé à déclarer leurs transactions d’initiés, mais les amendes qui leur ont été imposées sont bien peu élevées.
« C’est sûr que 100 $ par jour de retard, ça paraît ridicule, on va être honnête », lance Ivan Tchotourian, professeur à l’université Laval et spécialiste en gouvernance.
L’amende maximale est de 5000 $ par cas, peu importe le nombre de jours de retard. En Ontario, la sanction est encore moindre : 50 $ par jour avec un maximum d’à peine 1000 $.
« C’est une goutte d’eau dans l’océan pour quelqu’un qui est à l’aise financièrement », estime Richard Leblanc, professeur de gouvernance à l’université York de Toronto.
Parmi les dirigeants qui se sont fait pincer depuis 2017, notons les PDG de Snc-lavalin, Ian Edwards (10 000 $), de Gildan, Glenn Chamandy (10 000 $), et de DAVIDSTEA, Sarah Segal (22 300 $), ainsi que le Fonds de solidarité FTQ pour des actions de Transat.
« C’est une erreur de notre part et non pas de M. Edwards », précise au Journal un porte-parole de SNC, Harold Fortin.
DÉLAI DE CINQ JOURS
L’AMF donne cinq jours aux initiés (dirigeants, membres d’un conseil d’administration et détenteurs de 10 % ou plus des actions d’une entreprise cotée) pour déclarer publiquement leurs transactions boursières.
Cette obligation vise à « décourager les initiés à effectuer des transactions pour profiter d’informations importantes qui n’ont pas été divulguées au marché », note Ted Dixon, fondateur du site spécialisé Canadian Insider. Elle permet aussi à tous les investisseurs de connaître en même temps les transactions effectuées par les initiés, ajoute-t-il.
« Moins on sanctionne, plus on peut laisser croire aux gens qu’ils peuvent retarder leurs déclarations et la tendance humaine peut être de dire “je vais profiter de l’information [privilégiée] que j’ai” », note M. Tchotourian.
M. Leblanc tient à rappeler que la déclaration tardive d’une transaction ne signifie pas nécessairement que cette dernière était malhonnête.
« PAS D’EXCUSE »
Il souligne toutefois que de nos jours, des logiciels permettent d’automatiser la déclaration des transactions d’initiés.
« Il n’y a pas vraiment d’excuse possible, les déclarations devraient être faites dans les 24 heures », affirme Richard Leblanc.
Depuis le début de 2017, L’AMF a imposé pour près de 1,3 million $ d’amendes pour des retards dans des déclarations d’initiés (620 dossiers différents). Les amendes imposées ont oscillé de 100 $ à 33 000 $ par dossier.
AMENDES ANNULÉES
En décembre, L’AMF a annulé une série de cinq amendes de 6500 $ qu’elle avait imposées en juin à autant d’initiés de la firme d’ingénierie WSP Global, dont l’ex-pdg Pierre Shoiry.
Cette décision a été prise parce qu’il s’agissait d’une première infraction, qu’elle était attribuable à l’entreprise et qu’elle concernait des titres liés à la rémunération des personnes visées, justifie Sylvain Théberge, porte-parole de L’AMF.
M. Leblanc relève qu’il y a beaucoup moins de retards dans les déclarations d’initiés qu’au début des années 2000, alors que plusieurs scandales d’antidatage d’options d’achat d’actions avaient éclaté.
En 2007, L’AMF a estimé à 3,3 % le taux de retard dans les déclarations d’initiés. Il était de 8,6 % en 2005, avant l’instauration des amendes.
– Avec Philippe Langlois,
Bureau d’enquête