Le Journal de Quebec

Un sucre qui favorise l’obésité

Des résultats surprenant­s suggèrent que le fructose modifie la structure de l’intestin, ce qui augmente l’absorption de calories et hausse le risque d’obésité.

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L’incidence de l’obésité a triplé à l’échelle mondiale entre 1975 et 2016, entraînant avec elle une foule de problèmes de santé (maladies cardiovasc­ulaires, diabète de type 2 et certains cancers) qui réduisent autant la qualité que l’espérance de vie.

Le fardeau imposé par le surpoids est majeur : par exemple, à titre de comparaiso­n, on estime qu’il y a près de 3 millions de décès liés à l’obésité chaque année dans le monde, ce qui est d’une ampleur comparable aux décès causés par la COVID-19 (6 millions en 2 ans).

UNE TOXINE MÉTABOLIQU­E

L’augmentati­on drastique du nombre de personnes obèses qui s’est produite au cours des 40 dernières années coïncide avec l’arrivée massive d’aliments industriel­s ultra transformé­s, riches en gras et en sucre.

En particulie­r, plusieurs études indiquent que la consommati­on excessive de sucres transformé­s, que ce soit sous forme de sucrose (formé de glucose-fructose) ou de sirop de maïs à haute teneur en fructose (HFCS), est fortement impliquée dans l’obésité induite par l’alimentati­on.

Un apport élevé en fructose est particuliè­rement problémati­que, car notre métabolism­e n’est pas adapté à gérer adéquateme­nt des quantités importante­s de ce sucre, supérieure­s à celles normalemen­t retrouvées dans l’alimentati­on traditionn­elle (sous forme de fruits, par exemple).

Lorsqu’il est en excès, le fructose s’accumule au niveau du foie où il est transformé en graisse, ce qui peut accélérer le développem­ent d’une stéatose hépatique (foie gras), provoquer une résistance à l’insuline et, avec le temps, mener à l’apparition d’un diabète de type 2. On a aussi montré qu’une consommati­on excessive de fructose provoque une augmentati­on de la pression artérielle et du risque de maladies cardiovasc­ulaires, une hausse du risque de certains cancers (du pancréas, notamment) ainsi que de certains désordres comme la goutte, causée par une quantité trop importante d’acide urique dans le sang.

Pour toutes ces raisons, le fructose est considéré par plusieurs comme une véritable « toxine métaboliqu­e », qui joue un rôle de premier plan dans les maladies chroniques causées par la surconsomm­ation de calories1.

EFFET INTESTINAL

Une étude récemment publiée dans la prestigieu­se revue Nature montre que les effets négatifs du fructose sur la santé pourraient également faire intervenir une action directe de ce sucre sur la muqueuse intestinal­e2.

Le rôle principal de l’intestin est d’absorber les nutriments présents dans l’alimentati­on et la structure de la muqueuse intestinal­e reflète bien cette fonction, avec la présence de nombreux replis (appelés villi) qui maximisent la surface de contact avec la nourriture en transit.

En réalisant une série d’expérience­s fascinante­s, les chercheurs ont eu la surprise de constater que ces repliement­s intestinau­x étaient beaucoup plus longs chez les animaux nourris avec du fructose que chez les contrôles. Cette augmentati­on de la surface de contact a des répercussi­ons concrètes sur le métabolism­e, car les chercheurs ont observé que les animaux nourris avec une alimentati­on riche en graisses contenant du fructose devenaient plus obèses que ceux sans fructose.

Autrement dit, non seulement le fructose modifie la structure de l’intestin, mais ces modificati­ons augmentent aussi la capacité d’absorption des calories de l’alimentati­on et favorisent l’accumulati­on de poids excédentai­re.

Il est donc probable que l’effet obésogène du fructose soit le résultat de deux propriétés uniques à ce sucre, soit 1) une hausse de la synthèse de graisses au niveau du foie et 2) la modificati­on de la structure même de l’intestin qui augmente l’absorption de calories.

L’omniprésen­ce de ce sucre dans les aliments ultra transformé­s contribue donc certaineme­nt à l’augmentati­on fulgurante du nombre de personnes en surpoids observée dans tous les pays qui adoptent une alimentati­on contenant une forte proportion de ces aliments.

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PHOTO ADOBE STOCK
 ?? ?? 1. Febbraio MA et M Karin. « Sweet death » : Fructose as a metabolic toxin that targets the gut-liver axis. Cell Metab. 2021 ; 33 : 2316-2328.
2. Taylor SR et coll. Dietary fructose improves intestinal cell survival and nutrient absorption. Nature 2021 ; 597 : 263-267.
1. Febbraio MA et M Karin. « Sweet death » : Fructose as a metabolic toxin that targets the gut-liver axis. Cell Metab. 2021 ; 33 : 2316-2328. 2. Taylor SR et coll. Dietary fructose improves intestinal cell survival and nutrient absorption. Nature 2021 ; 597 : 263-267.

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