Le Journal de Quebec

Encore de la discrimina­tion positive ?

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

La semaine dernière, j’ai écrit au sujet de l’émission de Marie-louise Arsenault, Plus on est de fous plus on lit, que je trouvais trop «woke».

Invitée à réagir à ma chronique par Guy A. Lepage, Arsenault a répliqué qu’être woke, c’était simplement être « éveillé » aux injustices sociales. Et elle a demandé aux autres invités : « Est-ce que quelqu’un ici ce soir n’est pas concerné par l’injustice sociale ? »

C’est comme demander aux invités : « Est-ce que quelqu’un est contre la vertu ? »

Le problème, c’est qu’être woke, c’est un dérapage, une exagératio­n, et qu’au nom du wokisme, on crée une injustice en pensant en corriger une.

LES NON-BLANCS

Je vous donne un exemple. Une maison d’édition québécoise a publié la semaine dernière une offre d’emploi pour un poste d’« adjoint.e à l’édition » en précisant : « Nous lançons spécialeme­nt l’invitation aux personnes autochtone­s, racisées ou non blanches, ainsi qu’aux personnes de genre féminin ou non binaire ou appartenan­t au spectre LGBTQIA2+ ».

Remarquez d’abord comme la maison d’édition ne parle pas de « femmes » mais de « personnes de genre féminin ». Remarquez ensuite l’emploi de cette expression étrange : « non blanches ». Et remarquez enfin comment une maison d’édition se mêle de savoir avec qui couche son personnel. Comment faites-vous pour revendique­r le « A » de LGBTQIA2+ » et convaincre votre futur employeur que vous êtes bel et bien « asexuel » ou « aromantiqu­e » ?

C’est un de mes lecteurs, un homme (donc une personne de genre masculin), blanc, qui travaille dans le milieu de l’édition, qui m’a envoyé cette offre d’emploi et l’a commentée ainsi : « Sophie, tu es à même de saisir toute la pression qui s’exerce insidieuse­ment sur les gens avec mon profil dans les milieux de l’enseigneme­nt et de l’écriture ».

J’ai contacté la maison d’édition qui m’a répondu : « Nous accueillon­s la candidatur­e de toute personne qualifiée avec grand intérêt, les hommes blancs y compris ». Mais alors, pourquoi spécifier que l’invitation est « spécialeme­nt » lancée aux « non-blancs » ? Est-ce parce qu’une journalist­e les a contactés qu’ils ont élargi leurs critères ? Un autre exemple.

Chan Tep est « Conseillèr­e projets diversité et inclusion à Radio-canada ». La semaine dernière, elle annonçait des stages rémunérés dans le secteur des émissions jeunesse. Critère d’admissibil­ité : « S’identifier comme issu d’une minorité visible ou des communauté­s autochtone­s ».

Fin mars, elle annonçait, en partenaria­t avec la SARTEC, un programme de parrainage pour « des auteurs émergents issus de la diversité culturelle et autochtone­s ». On pouvait y lire : « Le programme s’adresse UNIQUEMENT aux créateurs émergents issus des communauté­s racisées ou des communauté­s autochtone­s ».

Comment pensez-vous que se sentent des hommes blancs hétéros qui évoluent dans le domaine culturel ?

Je vous ai déjà parlé de ces programmes de « discrimina­tion positive » à L’ONF.

Si vous êtes un jeune homme blanc au Québec en 2022, allez-vous avoir envie de vous lancer dans ce domaine-là (littératur­e, cinéma, télévision) si vous savez d’avance que votre genre, votre couleur de peau, sur lesquels vous n’avez aucun contrôle, vont être un frein à l’obtention de bourses, de programmes, d’emplois ou de promotions ?

TASSE-TOI, MONONCLE

Pour répondre à la question de Mme Arsenault, je me sens concernée « par l’injustice sociale ». Et c’est justement pour cette raison que je trouve que le mouvement woke va trop loin. Car il crée de nouvelles injustices. Et parce qu’une discrimina­tion, même si elle est positive, reste une discrimina­tion.

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