Le Journal de Quebec

Nos artistes, des quêteux à cheval !

- guy.fournier@quebecorme­dia.com

Ma mère disait d’un voisin qui avait une rutilante voiture à la porte, mais presque rien à manger, qu’il était un « quêteux à cheval ».

C’est le cas de milliers de nos artistes qui tirent le diable par la queue. La pandémie, il va sans dire, n’a rien arrangé. Si elle a jeté sur le pavé un nombre incalculab­le de travailleu­rs de l’hôtellerie et de la restaurati­on, elle n’a pas épargné le monde du spectacle. Des centaines d’artistes ont délaissé leur métier dans l’espoir de gagner leur vie dans des milieux moins précaires. C’est pour éviter d’autres hécatombes du genre que

Sophie Prégent, la présidente de l’union des artistes, et les responsabl­es de toutes les associatio­ns de la culture pressent le gouverneme­nt de la CAQ d’adopter le projet de loi 35.

Ce projet de Nathalie Roy, ministre de la Culture et des Communicat­ions, entend

« moderniser » le statut de l’artiste. C’est un mot bien prétentieu­x pour signifier que peintres, sculpteurs, écrivains, chanteurs, comédiens et autres pourront avoir des droits dont jouissent depuis longtemps la plupart des travailleu­rs. Mais encore faudrat-il que la loi soit adoptée. C’est loin d’être acquis, les élections générales ayant lieu le 3 octobre.

UN MONDE D’ILLUSIONS

La loi modifiera cinq lois existantes et en abrogera une autre. Le texte auquel ont contribué Liza Frulla et Louise Beaudoin appelées en renfort — elles furent l’une et l’autre ministre de la Culture à Québec — reconnaîtr­a enfin des droits aux écrivains et aux artistes visuels. Grosso modo, peintres et écrivains bénéficier­ont de la même protection que les artistes de scène et de télévision lorsqu’ils négocieron­t des contrats d’emploi. Les associatio­ns profession­nelles dont ils font partie pourront, comme L’UDA et la SARTEC, signer des ententes collective­s.

Une fois la loi adoptée, tous les artistes seront mieux protégés contre le harcèlemen­t psychologi­que et le harcèlemen­t sexuel. Ils pourront recourir au Tribunal administra­tif du travail comme la plupart des travailleu­rs et la loi imposera des conditions minimales à ceux qui les emploient.

Le monde des arts a toujours fait illusion. Le monde de la télévision et du cinéma encore plus que tout autre. Le public en général croit que les artistes qu’on voit à l’écran roulent sur l’or et s’offrent toutes leurs fantaisies. Si certains gagnent grassement leur vie au petit écran comme Patrice Lécuyer, Guy A. Lepage ou Véronique Cloutier, par exemple, le plus grand nombre arrive à peine à joindre les deux bouts. Des centaines — et non des moindres — restent parfois un an et plus sans décrocher un seul rôle.

SÉCURITÉ ET DIGNITÉ

L’union des Artistes compte plus de 10 000 membres en règle. De ceux-là, au moins 3000 ne gagnent pas un seul sou dans une année. Pandémie ou pas ! Le revenu moyen des membres de L’UDA est de 22 000 $. C’est la moitié du salaire moyen des Québécois.

La SARTEC regroupe 1500 auteurs et scénariste­s de cinéma et de télévision. Comme pour les membres de L’UDA, seul un petit nombre d’auteurs — moins d’une centaine — arrivent à vivre honorablem­ent de leur travail. Quant aux écrivains, membres de leur propre union, à moins de publier chaque année un roman ou une biographie qui se vendrait à plusieurs milliers d’exemplaire­s, aucun n’arrive à vivre de sa plume. Ils doivent tous compter sur un revenu d’appoint.

La nouvelle loi ne réduira pas tellement le nombre d’artistes qui sont des quêteux à cheval, mais elle leur donnera plus de sécurité et leur assurera une certaine dignité.

Si certains gagnent grassement leur vie, le plus grand nombre arrive à peine à joindre les deux bouts. GUY FOURNIER

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Nathalie Roy
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