Le Journal de Quebec

Faut-il blâmer Lorraine Pintal ?

Juste avant la première de Cher Tchekhov de Michel Tremblay, une quinzaine de jeunes ont envahi la salle et pris à partie le TNM et sa directrice.

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Menés par Hugo Fréjabise, ces jeunes « théâtreux » ont clamé que le Théâtre du Nouveaumon­de est « en train de mourir… qu’il ne propose plus rien de nouveau… qu’il est devenu complaisan­t ». D’autres jeunes avaient aussi envahi le TNM vers la fin du « règne » d’olivier Reichenbac­h, qui le dirigea durant dix ans. Ils avaient invoqué exactement les mêmes arguments.

Même si le milieu du théâtre prétend que nous avons presque autant de choix à Montréal qu’à Paris, rien n’est plus inexact. Il y a plus de 80 théâtres actifs dans la capitale française, alors qu’on en compte à peine une douzaine à Montréal. L’odéon et la Comédie-française ont ouvert leurs portes à la fin du 18e siècle, mais il a fallu attendre Les Compagnons de Saintlaure­nt en 1937 pour qu’existe à Montréal une vraie compagnie de théâtre.

AU CROCHET DE L’ÉTAT

La plupart des théâtres parisiens ne sont pas subvention­nés. Ils vivent de leur public. Sans les substantie­lles subvention­s de nos gouverneme­nts et des divers conseils des arts, sans les campagnes de souscripti­on annuelles auxquelles donnent généreusem­ent philanthro­pes et grandes entreprise­s, aucun de nos théâtres ne pourrait survivre. Pas facile dans les circonstan­ces d’éviter toute « complaisan­ce avec le pouvoir », un autre reproche d’hugo Fréjabise.

Nos théâtres ont aussi besoin du public. Il les assure d’une partie importante de leurs revenus. Même si les places dans nos théâtres sont parmi les moins chères au pays, le public ne leur est pas acquis pour autant et les théâtres doivent faire beaucoup de publicité et de promotion.

Malgré les apparences, notre théâtre est une entreprise fragile, que la pandémie a fragilisée davantage.

En dépit du désir qu’auraient certains directeurs de courir des risques sérieux en présentant un plus grand nombre de pièces originales et de spectacles audacieux, ils n’ont pas d’autre choix que de tempérer leurs ambitions s’ils ne veulent pas voir les assistance­s se réduire comme peau de chagrin. Comme tous les autres direcde teurs théâtre, Lorraine Pintal doit proposer au public un programme hybride se composant surtout d’oeuvres sûres et d’un ou deux spectacles à plus haut risque.

SAVOIR OÙ FRAPPER

Chaque théâtre a son territoire, selon les mots de Lorraine Pintal, ou, si l’on préfère, sa vocation. Ces « territoire­s », les amateurs de théâtre les connaissen­t, mais ils ne sont pas très bien définis. Ils peuvent même varier beaucoup dans une même saison ! C’est ainsi que le Rideau Vert peut présenter une pièce aussi exigeante que Mademoisel­le Julie et la faire suivre d’une comédie déjantée et absurde comme Vania, Sonia, Macha et Spike.

Au TNM, la saison prochaine, La nuit des rois de Shakespear­e précédera Le rêveur dans son bain, une création de Hugo Bélanger, un auteur qui est loin d’être traditionn­el.

Au Théâtre Jean-duceppe, on présentait surtout des adaptation­s de pièces américaine­s, entrecoupé­es d’une pièce québécoise. Gilles Duceppe, le fils du fondateur, renia abruptemen­t cette vocation à la mort de Michel Dumont, directeur artistique durant 27 ans. Il congédia ses deux soeurs et installa Jean-simon Traversy et David Laurin à la place de Dumont. Ceux-ci ont changé la vocation du théâtre de bout en bout avec un succès qui est encore loin d’être assuré.

Ce n’est pas le TNM qu’hugo Fréjabrise et son groupe doivent envahir, mais le cabinet de la ministre de la Culture.

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Lorraine Pintal

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