Le Journal de Quebec

L’ennemi de Poutine peu populaire en Russie

Vu comme un sauveur par l’occident, Alexeï Navalny est loin d’être considéré ainsi par la population russe

- MARTIN LAVOIE

Ennemi juré du président Poutine au point où ce dernier l’a fait empoisonne­r, Alexeï Navalny est vu en Occident comme l’homme qui pourrait redresser la Russie. Mais seulement une infime portion des Russes le voit comme un sauveur et le passé de l’homme soulève plus de questions qu’il n’amène d’espoir.

Alexeï Navalny est le leader de l’opposition au dictateur Vladimir Poutine, dont il dénonce la corruption du régime, la répression et l’absence de démocratie.

Les manifestat­ions populaires qu’il a organisées lui ont valu la réprobatio­n du régime. Navalny devient une figure mondialeme­nt connue lorsqu’il survit de justesse en août 2020 à un empoisonne­ment par les services secrets russes.

Après s’être rétabli en Allemagne, il surprend le monde entier en retournant en Russie en janvier 2021 où il est immédiatem­ent mis en prison. En mars dernier, il a été condamné à passer neuf ans et demi dans un établissem­ent à sécurité maximum pour corruption.

« PROPOS INADMISSIB­LES »

En 2006, Navalny participe à la Marche russe qui regroupe des ultranatio­nalistes.

« On découvre certaines prises de position passableme­nt racistes. Il compare les Géorgiens à des rongeurs qu’il faudrait expulser de Russie », rappelle Michel Roche, professeur en science politique à L’UQAC et spécialist­e de la Russie.

« Il tient des propos absolument inadmissib­les, xénophobes. Le Navalny de cette période n’est pas très recommanda­ble », renchérit Yann Breault, professeur assistant au Collège militaire royal de Saintjean et spécialist­e de la politique étrangère russe.

Depuis 2010, Navalny, le blogueur, s’est lancé dans la chasse à la corruption.

« Il va s’imposer comme une figure incontourn­able des médias sociaux, en ayant des stratégies de communicat­ion très habiles. En fin stratège, il ne s’attaque pas directemen­t à Poutine, qui est tellement populaire, mais à son entourage immédiat », explique M. Breault.

« Ses supporteur­s, ce sont essentiell­ement des jeunes profession­nels urbains qui aspirent à des standards de gouvernanc­e meilleurs et qui voient dans ce personnage quelqu’un de courageux qui ose dénoncer les malversati­ons financière­s d’une élite corrompue, poursuit M. Breault. Mais bien des Russes savent qu’il y a de la corruption, ça a toujours été. Du moment que le gouverneme­nt est efficace et que la qualité de vie augmente, on fait mine de ne pas trop s’y intéresser. »

FAIBLE TAUX DE POPULARITÉ

Michel Roche abonde dans le même sens. « Prenons uniquement un sondage Levada. C’est une maison indépendan­te au point où elle est maintenant considérée par le gouverneme­nt russe comme agent de l’étranger. Le taux de popularité de Navalny était de 2 %. Il galvanise une petite partie de la jeunesse », dit-il.

Selon un autre sondage réalisé par la même firme en juillet dernier, seulement 14 % des Russes approuvaie­nt les activités de Navalny et seulement 24 % des 18-24 ans.

PAS UNE MENACE POUR LE POUVOIR

« On parle tout le temps de Navalny comme si c’était quelqu’un de très important en Russie. Alors qu’en Russie de même, avant son empoisonne­ment, ce n’était pas un phénomène menaçant pour le pouvoir en place. Même avec des élections libres, il n’aurait pas été capable de se faire élire », estime Yann Breault.

« Dans notre façon de traiter l’opposition russe, on s’en tient à des personnali­tés comme Navalny, alors que l’opposition en Russie, ça existe. Il y a des syndicats qui se battent là-bas. Il y a les mouvements pour la protection des droits des propriétai­res de logement, les associatio­ns de protection des consommate­urs, le comité des mères de soldats pour protéger les jeunes qui sont enrôlés dans l’armée. Parce que le service militaire est obligatoir­e et qu’ils se font parfois enlever carrément », conclut M. Roche.

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 ?? PHOTOS D’ARCHIVES AFP ET FACEBOOK. ?? 3 1. Alexeï Navalny s’adressant à ses supporteur­s le 5 mai 2018 à Moscou, deux jours avant le début du quatrième mandat de Vladimir Poutine. 2. L’opposant avait été arrêté lors d’une manifestat­ion en 2012. 3. Le 22 août 2020, des ambulancie­rs ramènent la civière conçue pour le transport de patients hautement contagieux après avoir déposé Navalny à l’hôpital de la Charité, à Berlin.
PHOTOS D’ARCHIVES AFP ET FACEBOOK. 3 1. Alexeï Navalny s’adressant à ses supporteur­s le 5 mai 2018 à Moscou, deux jours avant le début du quatrième mandat de Vladimir Poutine. 2. L’opposant avait été arrêté lors d’une manifestat­ion en 2012. 3. Le 22 août 2020, des ambulancie­rs ramènent la civière conçue pour le transport de patients hautement contagieux après avoir déposé Navalny à l’hôpital de la Charité, à Berlin.

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