Le Journal de Quebec

Diviser avec la défense du français

- EMMANUELLE LATRAVERSE emmanuelle.latraverse@tva.ca

Quelques milliers d’anglophone­s dans la rue pour dénoncer sa réforme de la Charte de la langue française, le gouverneme­nt Legault ne pouvait pas demander mieux.

Son projet de loi 96 n’est pas encore adopté, qu’il peut crier victoire.

Les anglos sont en colère. Ça suffira pour convaincre les francophon­es qu’il a visé juste dans la protection du français.

Ajoutez les hauts cris à la Gestapo de la langue, l’éradicatio­n d’une communauté entière, le génocide culturel des Premières Nations, le discours radical d’une frange — je dis bien une frange — des anglophone­s est tellement hystérique qu’il aura suffi à discrédite­r toutes les critiques sur le PL96.

Le débat éclairé n’est plus possible.

QUELLE SAUVEGARDE ?

Et pourtant, ce débat éclairé, informé aurait dû avoir lieu.

Tant qu’à réécrire la Charte de la langue française, n’aurait-il pas fallu identifier les leviers les plus efficaces ?

Non. On préfère couper la poire en deux sur le Cégep et ériger une vaste architectu­re bureaucrat­ique, si complexe qu’elle échappe à tous sauf aux experts. Et pour vraiment convaincre les Québécois que c’est du costaud, on ajoute la clause dérogatoir­e. Ça, ça fait plaisir !

Morale de l’histoire, enlisé dans des dédales juridico-bureaucrat­iques, le débat s’opère strictemen­t sur les symboles.

Le PQ irait encore plus loin en imposant la loi 101 au Cégep. Une clique d’anglophone­s crinquée rechigne contre l’idée même de devoir suivre 3 cours de français.

Entre ces deux opposés, le PL 96 passe pour raisonnabl­e. Profitant de la polarisati­on du débat, François Legault passe pour un modéré. Ainsi il rassure son électorat grâce à un nationalis­me qui donne bonne conscience.

PLQ COINCÉ

Côté tactique, le débat sur le PL 96 a englouti Dominique Anglade. Favorable aux cours en français au Cégep, elle a reculé face à la levée de boucliers.

La voilà qui marche au Collège Dawson, symbole ultime de la résistance anti-legault.

Rassurez-vous, elle et son caucus n’ont pas marché en rouge pour le bilinguism­e généralisé.

Non, elle a marché parce que les pouvoirs judiciaire­s octroyés à l’office québécois de la langue française vont trop loin, parce que la diabolisat­ion de la communauté anglophone a assez duré.

Le PLQ a marché parce que la montagne de réglementa­tions s’annonce un cauchemar à naviguer pour les entreprise­s.

Finalement, le PLQ s’oppose au PL96 pour les mêmes raisons que bien des francophon­es, que le Barreau du Québec, que les chambres de commerce. Mais ces nuances, elles sont perdues dans le débat polarisé actuel.

Dominique Anglade a marché aux côtés des modérés, mais, malheureus­ement pour elle, aussi aux côtés des tenants d’un Québec bilingue qui crient au nazisme et au génocide culturel.

François Legault ne pouvait pas demander mieux.

Quitte à avoir peu de victoires substantie­lles sur le front de son nationalis­me québécois, il se contentera amplement des victoires tactiques.

À la lumière des intentions de vote, il semble que les Québécois n’en demandent pas davantage.

Profitant de la polarisati­on du débat, François Legault passe pour un modéré.

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Manifestat­ion contre le projet de loi 96, hier à Montréal.
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